Aussi discrète que disséminée, à la recherche d’un eldorado ou réfugiée politique, la communauté chinoise est l’une des plus présentes en France. En 2006, elle est estimée à plus de 600 000 personnes, dont plus de la moitié résiderait en Île-de-France.

Quand on pense à la « communauté chinoise », il nous vient à l’esprit les quartiers chinois comme le 13e arrondissement de Paris, Belleville ou encore Montgallet  qui sont des quartiers avec beaucoup de commerçants asiatiques, souvent perçus comme étant des « quartiers chinois ». Mais tous les Chinois ne sont pas concentrés dans ces quartiers. Tang est Chinois. Il a plus d’une cinquantaine d’années. Il  ne vit ni dans le 13e, ni à Belleville mais en pleine banlieue, à Bondy, depuis plus de 25 ans. Comment a-t- il atterri en France, à Bondy ?

Son voyage débute à l’âge de 8 ans. Il habite alors au sud de la Chine lorsque lui et sa famille migrent vers le Cambodge à cause de la guerre civile qui survient dans son pays. Tang grandit alors paisiblement à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. 18 mars 1970 : Un coup d’état militaire éclate dans son premier pays d’adoption, et précipite le Cambodge dans une guerre civile. Le général républicain Lon Nol, avec l’aide américaine, renverse le roi Norodom Sihanouk. Cette guerre civile pousse les Cambodgiens à quitter le pays. Quelques membres de la famille de Tang décident de faire leurs valises pour rejoindre un pays qui accueille les réfugiés. Parmi les destinations possibles : les Etats-Unis, la Suède… et la France.

Pour la famille de Tang, le choix est fait : rejoindre la France pour fuir la guerre civile. A leur tour, peu avant 1975, Tang et son épouse quittent le Cambodge, direction la France. Après un long voyage, Tang atteint Paris où une partie de sa famille est déjà présente. 17 avril 1975: Menés par le dictateur Pol Pot, les Khmers rouges qui s’étaient alliés à l’ancien roi prennent le pouvoir à Phnom Penh. La ville est vidée de ses habitants. Une nouvelle ère commence au Cambodge. Tang ne sait pas alors qu’il vient d’échapper à l’un des génocides les plus meurtriers du siècle passé. Une dictature communiste se met en place. Les citadins sont considérés comme les exploiteurs du peuple. Les Chinois, les Vietnamiens, qui sont à eux seuls près d’un million de personnes, mais également les 250 000 Cambodgiens musulmans sont maltraités et font l’objet de persécutions et de massacres. Les familles cambodgiennes sont éclatées, le but recherché est de casser les anciennes solidarités en séparant les enfants de leurs parents. L’objectif final est de créer une société fondée sur l’idéologie égalitariste et communautaire, méprisant l’individu. Le cauchemar s’arrête en janvier 1979 quand les troupes vietnamiennes entraînent la fuite du gouvernement Khmer rouge. Le bilan est estimé à près de 2 millions de victimes.

Tang n’a pas vécu ce drame directement. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour tous ses proches, restés au Cambodge. Lui, heureusement, a eu la chance de partir au bon moment et de trouver la France comme terre d’accueil. Son pays d’enfance saccagé, son statut de réfugié, son nouveau pays, sa nouvelle culture, sa nouvelle langue ne l’empêcheront pas, lui et sa femme, de reconstruire une nouvelle vie, ici, en France.

Dans les années 80, après plusieurs années de galère, Tang débarque à Bondy, un coin où il ne manque de rien et où, avec sa femme, il peut vivre paisiblement. Une maison, une situation, des enfants : on est alors bien loin des guerres civiles qu’il a dû fuir. A présent, Tang parle français, travaille, emmène ses enfants à l’école, découvre les mots « loisirs », « vacances », « congés payés », et même s’il lui arrive encore de penser à son passé, il préfère voir la vie avec philosophie et songer au futur des siens et à son projet de vacances… au Cambodge !

Chou Sin

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