Le 30 juin 2011, date de l’indépendance du Congo, avait lieu à Paris sur le parvis du Trocadéro une marche de protestation contre les viols commis à l’encontre des femmes congolaises. L’action est organisée par la diaspora congolaise et les associations de défense des droits des femmes, la marche doit finir en Belgique. L’objectif sera de sensibiliser les instances européennes.

Des milices tutsies ayant fuit après le génocide au Rwanda planifient et mettent en œuvre des campagnes systématiques de viol massif pour terroriser la population. Le viol sur des femmes de tout âge est utilisé comme une arme dans le but de détruire la population « et faire partir la population ». Les femmes ne sont pas les seules visées, les enfants sont également victimes. Le but est de s’approprier des minerais comme l’or, le coltan, un minerai essentiel à la fabrication des téléphones portables et des composants électroniques.

La production a bien évidement des conséquences désastreuses pour la nature et la population notamment  les enfants qui travaillent et meurent dans les mines de coltan. Toute cette production de minerai est destiné aux entreprises occidentales ou asiatiques. L’argent récolté par les milices ou les armées parallèles servent à financer leur ouvrage destructeur pour maintenir leur emprise.

Il est 10 heures du matin, le parvis du Trocadéro ne s’est pas encore animé de son rituel quotidien. Les bus ne déversent pas encore les touristes, les appareils photo sont encore au repos. Plusieurs personnes s’affairent déjà autour d’une table, où se trouve des  formulaires et des pancartes. Juste derrière celle-ci, on peut apercevoir des micros.

Les minutes défilent, les manifestants affluent et se regroupent. A quelques mètres de moi, une jeune fille remplit un questionnaire. Elle est là pour accompagner sa mère militante associative. « Je m’appelle Jessica, j’ai dix huit ans, je suis congolaise d’origine. Ma mère fait partie d’une association des femmes congolaises de Carrière sous Poissy. Elle m’a parlé de cette marche, du thème et je me suis dit que cela serait bien de venir ici car il n’y a pas grand monde qui se soucie de cette lutte et qu’une personne de plus c’est déjà ça pour les aider. »

Il est 11 heures, beaucoup de touristes sont déjà présents. Les manifestants sont aussi plus nombreux, autant d’hommes que de femmes. Un homme s’approche de moi et me tend un prospectus pour une autre marche, celle-ci est politique et s’est nommée « Kabila dégage ». Etonné du message, j’engage la conversation. Il m’informe  au passage que la porte parole de son association, la Dame de fer, comme il la surnomme amicalement n’est pas très loin. « Elle est par là, elle n’est pas très grande, mais immensément grande par l’esprit et la détermination ».

En effet, à quelques pas se trouve Youyou Muntu-Mosi, porte parole de l’association RDCongo en France. « Je suis là en tant que femme congolaise habitant en France mais consciente de ce qui se passe dans son pays. Je pensais qu’il était nécessaire d’être là au nom de toutes ces femmes qui sont martyrisées, violées donc si nous sommes là c’est pour faire entendre notre voix pour celle qui n’ont pas la possibilité de se défendre. »

« Vous savez que la RDC n’a de démocratique que le nom. Le message aujourd’hui est de marcher car nous avons un état démissionnaire, un gouvernement irresponsable. Si l’état jouait son rôle protecteur, il n’y aurait pas de viols. La diaspora congolaise est consciente, ce n’est pas un mouvement ponctuel mais de masse et pas uniquement en France, en Belgique, en Angleterre, en Afrique du sud, aux Etats-Unis ou au Canada. Le peuple congolais se lève, il est conscientisé, ce n’est pas anodin cela avance dans le temps. La finalité c’est d’obtenir un Etat de droits et que les personnes au pouvoir quittent leurs postes et que nous puissions avoir une démocratie réelle et pas fictive. Oui les gens sont conscients. »

La foule de manifestants semble avoir atteint sa consistance définitive. Je me rapproche du cœur. Un homme bras croisés, semble très ému et impatient, « c’est une marche pacifique et de protestation car il y a 48 femmes violés par heure. On est déjà à un million huit cent mille, et nous comptons huit million de mort à l’heure actuelle. Nous qui sommes à l’étranger savons que là-bas ils sont persécutés et vivent dans la peur. Ils tuent les étudiants qui informent sur le net, ils les arrêtent, les surveillent. Internet est contrôlé. »

« Il faut ouvrir les yeux des gens mais aussi des Congolais, poursuit-il. Les femmes sont déshonorées,  ils violent même les hommes. Je suis né sous la dictature, j’ai étudié sous la dictature. Nous savons que « Freedom is comming now you are ready to fight », nous combattrons jusqu’à la dernière goutte de notre sang. Nous savons que c’est un pays béni et aucun voisin ne viendra de l’extérieur pour violer, pour dérober ».

Les micros sont pris d’assaut par les organisateurs, le drapeau congolais est présent, la marche va débuter. Youyou Muntu-Mosi se met à côté d’un groupe de femmes portant une bannière. Elle s’exprime face aux deux caméras présentes avec conviction et rage, les mains tremblantes et la gorge presque nouée par l’émotion.

Le cortège se met en place, des bannières font leur apparition, des phrases sont scandées. Les touristes du parvis sont à la fois hébétés et à l’écoute, la marche débute. Les manifestants déambulent avec énergie dans les rues de Paris, escortés par une voiture de police. Le défilé traverse l’avenue des Champs-Elysées.  A l’arrière du cortège, j’entends les réflexions d’une manifestante contrariée. « Ecoutez, me fait-elle, vous entendez ils crient Kabila dégage ! Il faut faire attention et faire la part des choses, nous ne  sommes pas là  pour ça mais pour dénoncer des crimes comme le féminicide et pas pour une cause politique. Pour être fédérateur, il faut que le message soit clair. D’autres personnes n’auront peut-être pas envie de se rallier ainsi que les politiciens eux-mêmes. »

La colonne s’approche du Jardin du Luxembourg, le calme du parc va être brièvement perturbé. Un homme orné d’un képi rouge et d’un haut vert également à l’arrière de la foule avance d’un pas rapide. C’est un ancien militaire congolais « les militaires violent », me dit-il hors de lui. « Les militaires doivent protéger le peuple. Les milices viennent, ils tuent, ils violent. L’armée est désorganisée. »

Rémi Marteen

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