A ma table, Josefa l’Espagnole soupire: « cela me rappelle des souvenirs. J’ai travaillé à la mairie et j’ai donc aussi servi les personnes âgées. Maintenant, c’est à mon tour de me régaler ». A côté de lui, Albino l’Italien, son mari, un ancien maçon, reluque en douce les belles danseuses. Josefa le gronde gentiment. Albino, c’est le seul qui reste assis pour la photo. « Il est timide, mon mari », lâche Josefa. Je leur demande dans quelle langue ils se parlent, français, italien, espagnol? Albino: « quand on s’engueule, chacun parle dans sa langue! » Ce couple attachant s’est connu en 1956. Elle venait de Castille, il débarquait de Perugia. Ils habitent Bondy et sont grand-parents.

Un autre couple surgit (à droite, sur la photo). Aussi espagnols. Joaquin vient de Saragosse, Maria de los Dolores de Grenade. Ancien ajusteur-tourneur-fraiseur (il tient à ce que les trois métiers figurent), il se rappelle des « années Simca », lorsque les fonderies du constructeur automobile faisaient vivre une bonne partie de la ville. Joaquin a grandi en France. Ses parents, des Républicains, ont fui la dictature de Franco dès son accession au pouvoir, en 1936. La famille a passé les Pyrénées avant d’être parquée dans un camp puis de regagner, petit à petit, la région parisienne. Joaquin est resté fidèle aux idées de gauche: il anime l’Association Garcia Lorca.

Soudainement, Maria de los Dolores se lève, tape des mains. Place au paso doble! Suivi d’un tango. Il faudra que je raconte ça à Pierre-André, un des journalistes de L’Hebdo. Il est fou de tango. Il s’est même rendu jusqu’à Buenos Aires pour s’enivrer dans cette danse. La prochaine fois, il lui suffira d’aller jusqu’à Bondy.

 

Par Roland Rossier

Roland Rossier

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