Le procès de la télé-réalité, certains en rêvent, d’autres l’ont fait. Maintes fois reporté pour cause de pandémie, l’événement avait suscité l’intérêt de plus de 20 000 personnes, notamment auprès des jeunes de l’Ile-de-France. Initialement prévu dans un amphithéâtre de la Sorbonne, ce procès intellectuel du phénomène audiovisuel, organisé par deux étudiants, s’est finalement joué sur la scène du Grand Rex à Paris le mardi 21 septembre dernier. La billetterie écoulée en un temps record traduit bien le  succès de ce procès « cousu main ». Juliette Ray, étudiante organisatrice, explique qu’elle ne s’imaginait pas à un tel engouement : « ça a été une véritable surprise ».

« Le procès de la télé-réalité » est en d’autres termes un concours d’éloquence mettant en scène un procès fictif de la télé-réalité, véritable phénomène de société qui prend une place toujours plus importante dans le champ télévisuel français depuis deux décennies et qui fait toujours autant réagir aussi bien dans l’opinion publique que dans la sphère médiatique.

C’est donc dans un Grand Rex plein (2500 personnes), que l’on retrouve un public jeune, les yeux rivés vers la scène où se croisent, étudiants, avocats, figures de l’éloquence et stars de la téléréalité. Les deux étudiants à l’origine du progrès, Juliette Ray et Tom Michel, ont ainsi fait se rencontrer Me Bertrand Périer, figure solaire du documentaire ‘À voix haute’, l’intervieweur Sam Zirah, la controversée et puissante agente de candidats Magali Berdah, ou encore la bien nommée Melanight, au cours de la soirée organisée depuis des semaines.

Pour ou contre la diffusion de la télé-réalité à l’antenne ?

Durant plus de deux heures, les spectateurs ont pu assister à une joute verbale argumentative de haut niveau. Derrière des discours d’une richesse linguistique qui tranche avec les clash des candidats, les six participants ont donc disséqué avec délicatesse poésie et humour, le passif et le sort de la télé-réalité. Deux équipes de trois membres se font face : l’une « pour » et  l’autre « contre » sa diffusion à l’antenne.

Un concours d’éloquence de base on rigole puis ensuite on réfléchit.

Le débat fait rage, le public réagit et la magie opère. Les travers du phénomène audiovisuel, le modèle dangereux pour la jeunesse, les derniers scandales sont tour à tour clamés par les trois candidats en faveur de sa suppression. En réponse, l’argumentation adverse évoque un succès populaire et la fabrication de nouvelles success-stories…

En coulisses, deux jeunes organisateurs qui ont conscience du petit coup médiatique : Juliette Ray et Tom Michel. Tandis que lui est élève avocat dans un cabinet de défense pénale après avoir étudié le droit et la philosophie, elle est étudiante en master de marketing et vente à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Juliette Ray, déjà lauréate de plusieurs concours d’éloquence, révèle que l’idée d’aborder la télé-réalité est venue naturellement car c’est un « phénomène de société qui n’a encore jamais été débattu ». Ils se sont rendus compte qu’au sein des universités, la télé-réalité est regardée par beaucoup d’étudiants qui « n’assument pas vraiment ». Pour le duo, ce procès est aussi une façon d’en parler sans complexe, avec une touche d’humour tout en sensibilisant « puisqu’un concours d’éloquence c’est ça, de base on rigole puis ensuite on réfléchit ».

C’est grâce à la pandémie qu’on a pu avoir le Grand Rex, à la base ça devait être dans une salle de la Sorbonne.

Ce projet, qui devait avoir lieu en mai 2019 a dû être reporté à cause de la pandémie. «Une grosse déception » pour la jeune femme. Néanmoins, les deux étudiants loins de lâcher l’affaire peaufinent pendant ce temps leur projet. Un an et demi plus tard, en sort un évènement encore plus ambitieux : « c’est grâce à la pandémie qu’on a pu avoir le Grand Rex, à la base ça devait être dans une salle de la Sorbonne qui accueillait 500 personnes ».

Idem pour le jury, les deux étudiants  parviennent à inviter aussi bien de grands avocats tels que maîtres  Jérémie Assous et Bertrand Périer que des professionnels de la télé-réalité. Un cocktail original et surprenant qui fonctionne.

Alors la télé-réalité finalement coupable ou acquittée, et surtout diffusée ou supprimée de l’écran ? Le jury, associé aux votes du public sur Facebook, aura tranché pour la culpabilité de cette dernière. Si l’événement a fait sourire, et même rire, il fait aussi réfléchir sur la capacité de la jeunesse à investir un phénomène médiatique polémique, qui ne laisse personne indifférent, mais trop souvent renié ou dénigré, par l’intelligentsia scientifique et médiatique.

Syrine Plet

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