« Je veux trouver un émigré riche et beau qui me donnera de l’argent quand je veux, qui construira une maison à mes parents qu’il enverra à la Mecque. » Ce souhait d’O.T, une jeune fille de quinze ans, est loin d’être anodin. Il est presque commun à la plupart des jeunes filles en âge de se marier à Louga et les villages qui l’entourent.

Dans une région où le gendre idéal doit forcément être un « venant de » – expression qui désigne les émigrés -, les jeunes filles en âge de convoler n’ont qu’un rêve : se marier à un émigré aux poches remplies de devises étrangères. Elles font ainsi ouvertement le pari de ne se marier qu’à un émigré pour une simple question de confort matériel. Malgré les difficultés que rencontrent les épouses prises dans un cercle infernal, ces jeunes filles n’ont d’yeux que pour les émigrés. Pour arriver à leurs fins, elles multiplient les occasions de trouver un « Modou-Modou » (émigré en wolof). Elles y arrivent souvent. Soit en organisant des « tanbers » (séances de tam-tam) filmés et dont les cassettes ou Cd seront envoyés à l’étranger, soit en se mettant en valeur lors des cérémonies impliquant les émigrés. De véritables mises en scène durant lesquelles aucun détail n’est négligé dans le seul but de trouver chaussure à son pied ou…un pigeon à déplumer sans retenu.

Les « Modou-Modou » se prêtent à ce jeu. Beaucoup d’entre eux ont rencontré leurs épouses à travers ces cassettes, qui véhiculent l’image de jeunes filles qui se mettent sur leur trente-et-un. Ces dernières font tout pour se faire remarquer et « taper dans l’œil » d’un émigré. C’est ainsi qu’A.D, un jeune polygame de 35 ans vivant en Italie, a rencontré ses deux épouses à travers la magie de la vidéo. Ces histoires pour le moins cocasses, on en trouve à la pelle à Louga. Cela ne semble pas déranger les parents qui y trouvent leurs comptes. 

Une situation qui dérange les autorités régionales en charge de l’Education. A Louga, le taux de d’abandon scolaire est des plus élevés du Sénégal. Entre des jeunes hommes qui préfèrent le visa au baccalauréat et des jeunes filles prêtent à abandonner les salles de classe à la moindre promesse de mariage somptueuse, il y a un grand travail de sensibilisation à faire. Mais encore faut-il trouver une oreille attentive à ce plaidoyer.

Khady Lo

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Louga, des hommes fantômes et des femmes seules

Khady Lo

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