Il est 18h30 et les premiers joueurs arrivent sur place au Gymnase Salengro à Noisy-le-Sec pour la séance d’entraînement. Avant de démarrer les exercices, l’équipe se rassemble sur le terrain pour écouter Jean-François Chevalier, leur président, les motiver pour la compétition qui arrive.

Le samedi 13 et dimanche 14 mai, se jouera la Coupe de France de Cécifoot à Bondy, et l’objectif est de ramener la coupe à la maison après avoir été vice-champion la saison dernière. Rapidement, le club a réussi à se fixer de grandes ambitions, car c’est en 2019 que son histoire commence.

« La découverte a eu lieu en 2017, lorsque Samir Gassama, aujourd’hui directeur sportif, m’a invité à un match de cécifoot. J’ai vu des sportifs non-voyants mettre des buts, et pas des moindres, j’ai été bouche-bée », se rappelle le président du club. Et lorsque l’équipe de France de cette discipline effectue son stage de trois jours à Bondy, cela scelle l’idée de créer un club dans la ville.

Un club unique en France

Le Bondy Cécifoot Club comporte deux sections : la B1 pour les non-voyants, la B2-B3 pour les mal-voyants. La première section est reconnue comme paralympique. De manière globale, ce sport fonctionne avec un ballon avec des grelots à l’intérieur afin d’émettre un bruit pour les joueurs. Les équipes sont composées de quatre joueurs de champ aux yeux bandés (maintenir une égalité de part et d’autre en cas de présence chez certains joueurs d’une vision résiduelle, protéger cette vision).

Quatre joueurs sont remplaçants et le gardien de but est voyant, dans une zone de deux mètres sur un mètre qu’il ne peut franchir. Un guide, qui se trouve derrière le but adverse, indique à l’attaquant la position de la cage. Autre élément important, chaque joueur qui n’a pas le ballon doit se signaler par le mot « voy » qui signifie « j’y vais », ou « je vais » en espagnol. Ces informations aiguillent le porteur du ballon afin de connaitre la position de ses adversaires.

Ce sont dans les règles que le club bondynois a évolué avant d’ouvrir la voie à d’autres sections. De manière générale, la section handisport est mise en place après celle des valides. Une équipe féminine en futsal a aussi été créée, celle des séniors hommes a ensuite été lancée. « Ce club est unique en France. Il change le regard sur le handicap. J’ai été face à l’inclusion, et on se pose des questions au départ. En vérité, l’inclusion aide à changer tout cela », explique Jean-François Chevalier.

Des athlètes comme les autres

Samir Gassama a déjà vécu cette expérience humaine. Après une carrière de gardien de but au cécifoot de Saint-Mandé et en équipe de France, il est ensuite devenu sélectionneur des Bleus, de la Belgique et du Mali. Le directeur-sportif de 45 ans a également connu un passage dans le futsal, en étant gardien et aussi joueur au Sporting Club de Paris. Minutieux dans la préparation, Samir Gassama n’hésite pas à montrer son caractère.

« Je les considère sans handicap, une fois que tu es dans le sport, on met tout ça de côté. Je les traite surtout comme des athlètes de haut niveau. Ce sont des exercices, souvent pour les valides, qu’ils aiment faire », détaille-t-il. Sa réputation d’être dur se conjugue avec la volonté de gagner et de travailler. En parlant de travailler, Samir Gassama est fier de ses joueurs et de ce qu’ils font en dehors du cécifoot.

« Ce n’est pas parce qu’on est porteur d’un handicap qu’il faut être mis de côté. On peut pratiquer un sport ou faire un métier. Dans mon équipe, il y a un ingénieur en informatique, un avocat au barreau de Paris par exemple, il faut se battre », raconte-t-il. L’autre accomplissement, c’est la participation de membres de l’équipe à la Coupe du Monde qui se jouera du 18 au 28 août prochain à Birmingham en Angleterre.

« C’est notre quotidien »

Tidiane, membre de l’équipe, prépare justement les Jeux Paralympiques 2024. Il est habitué aux grosses préparations. Dans le cécifoot depuis tout jeune, et en club depuis 2011, il a participé aux précédents Jeux Paralympiques de Tokyo. Son palmarès est marqué par le championnat d’Europe remporté l’année dernière en Italie. « Pour nous, rien ne change. Il faut écouter la balle avec les grelots, nos coéquipiers, se concentrer sur le « voy », le guide et l’entraîneur. Mais ça reste du foot, il faut juste filtrer ces informations », explique Tidiane.

« On espère faire un très bon résultat au Mondial avant de continuer avec les Jeux Paralympiques », poursuit-il. Ambitions logiquement partagées par Hakim, autre joueur de l’équipe depuis septembre dernier : « Ce n’est pas vraiment une fin de saison pour nous. On va se préparer jusqu’en août, et au retour, on va pleinement s’orienter pour 2024, on aura quelques mois pour se conditionner. »

J’aimerais que ce sport soit vu et reconnu, pour que l’on soit dans des meilleures conditions

Les buts sont communs, entre la direction et les joueurs. « En 2011, il n’y avait presque pas de terrain, maintenant ça évolue. Lentement mais sûrement », constate Tidiane. Pour le moment, ils ne sont que 12 clubs en France dont trois en région parisienne. Et depuis 2019, le Bondy Cécifoot Club souhaite changer la vision des choses. « J’aimerais que ce sport soit vu et reconnu, pour que l’on soit dans des meilleures conditions. C’est bien que la France joue les Jeux, mais les clubs locaux comme nous ont besoin de soutien », lance Jean-François Chevalier.

Bondy, la belle terre des jeux

Le point positif est que Bondy reste le centre de préparation des prochains Jeux Paralympiques pour ceux qui souhaite s’y préparer. « Bondy n’est pas uniquement la terre du ballon rond, mais aussi du ballon à grelots. Il nous manque juste une chose : le terrain. Nous aurons la chance d’accueillir bientôt un terrain paralympique en dur, qui sera dédié à la pratique du cécifoot », rapporte le président.

À terme, le plan est d’assurer la relève en créant une académie de jeunes enfants déficients visuels de 7 à 17 ans. « On souhaite développer ce sixième sens, une autonomie, et se dire qu’on retrouvera ces enfants pour représenter la France, en Europe, au Mondial et aux Jeux », conclut-il. Cela prendra le temps qu’il faudra pour le Bondy Cécifoot Club. La route vers l’avenir se poursuivra d’abord ce week-end, avec les joueurs qui feront tout pour la paver lors de la Coupe de France.

Abdoulaye Diop

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