Devant la maison des métallos, plusieurs dizaines de personnes sont rassemblées en soutien au quelque 230 mineurs non accompagnés évacués vers des gymnases. Sur ses réseaux sociaux, le collectif des jeunes du parc de Belleville avait lancé un appel à venir rejoindre leur lutte pour être hébergés dignement.

À l’intérieur de la salle de spectacles occupée depuis trois mois, des négociations avec des représentants de la mairie se jouent à l’abri des caméras et des journalistes. Ces négociations ont, en fait lieu, depuis le 6 avril, date à laquelle les jeunes de la maison des métallos ont pris possession des lieux. Les nombreuses discussions avec la préfecture d’Île-de-France, l’État et la mairie n’avaient rien donné jusqu’ici. C’est seulement mardi, à la veille de leur évacuation, que les mineurs isolés ont été informés de l’ouverture d’un gymnase pour les héberger. Mais cette nouvelle n’est pas suffisante pour le collectif qui réclame le respect inconditionnel d’au moins quatre revendications.

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« Les jeunes ont posé des conditions parce qu’ils ne veulent pas simplement être hébergés en gymnase comme c’est le cas pour beaucoup depuis plusieurs mois », explique Jeanne, soutien du collectif des jeunes du parc de Belleville. « Dans les gymnases, ils ont très peu de sanitaires. Ils doivent quitter les lieux à 8 heures du matin, ils ne peuvent revenir qu’à 18 heures. Ils sont donc obligés de rester dehors une grande partie de la journée et sont soumis au harcèlement des contrôleurs et de la police », soulève Jeanne.  

Leur mobilisation a justement permis l’ouverture du gymnase 24h/24 pour la totalité d’entre eux pendant toute la durée des Jeux olympiques ainsi que la fourniture d’une attestation d’hébergement pour toutes et tous. Une exigence nécessaire à la poursuite de leurs démarches administratives pour s’inscrire à l’école ou demander l’aide médicale d’État. « Ils ont également obtenu que les soutiens du collectif puissent passer dans les gymnases pour communiquer des informations et continuer à faire vivre la lutte », ajoute Jeanne.

« On est avec vous »

À l’arrivée des bus, les mineurs ont préparé leurs affaires pour embarquer vers les gymnases. Ils sont accueillis sous les applaudissements de leur soutien : « Bravo », « On est avec vous, bonne chance » ou encore « Vous êtes nos enfants ». Les cars défilent jusqu’au dernier, bloqué au milieu de la route : à l’avant et à l’arrière, des mères de familles accompagnées d’enfants en bas âge sont présentes pour empêcher le passage.

On ne va pas bouger, on veut un logement pour nos enfants, pour qu’ils puissent partir à l’école comme les autres

Elles manifestent depuis des semaines devant l’Hôtel de ville de Paris pour demander une mise à l’abri, mais elles n’ont pas été incluses dans le dispositif prévu par la mairie. L’une d’elles s’exclame : « On vit dans la rue avec les enfants, ils sont fatigués. Je suis enceinte, je vais accoucher dans la rue. » Une autre se montre déterminée : « On ne va pas bouger, on veut un logement pour nos enfants, pour qu’ils puissent partir à l’école comme les autres. » 

Rapidement, elles sont rejointes par certains mineurs qui n’ont pas encore été évacués. Ensemble, ils dansent en chantant : « J’y suis, je reste, je ne partirai pas. » Ils battent le rythme sur le capot du car de la ville de Paris. Il faudra attendre plusieurs heures pour que la mairie trouve également une solution d’hébergement dans une école pour ces 20 femmes et 10 enfants.

Des revendications satisfaites, mais un combat loin d’être terminé

À l’issue de ces négociations, Julien, 16 ans, délégué du collectif des jeunes du Parc de Belleville, prend la parole. Il revient sur leur lutte depuis septembre 2023 où tous se sont rencontrés dans un campement de fortune installé dans le parc. « On dormait tous ensemble dans le parc puis un jour la préfecture a décidé de nous loger dans de bonnes conditions. Nous sommes tous allés dans les hébergements promis, mais arrivés là-bas, on nous a demandé de faire une demande d’asile. Même pas trois semaines après, ils nous ont tous mis dehors », retrace-t-il.  

Réunis à la maison des métallos, les jeunes ont décidé de fonder ce collectif afin de revendiquer leurs droits et lutter contre le racisme. Aujourd’hui, ils se réjouissent de l’avancée de leur situation grâce à la lutte qu’ils ont menée. Et le combat continue. « Nous sommes là pour avoir une place dans cette société. Nous réclamons seulement notre droit d’être pris en charge comme tous les enfants français, avoir droit à l’école, à une éducation, à une meilleure vie », explique Julien.

On n’a pas de garanties sur ce qui va se passer après les Jeux olympiques

« Le gymnase, ce n’est pas un lieu de vie, mais c’est quand même un peu mieux que d’être dans la rue sous des ponts, donc on va rester là-bas et on ne va pas baisser les bras. » Même constat pour Bakari. Sous-délégué du collectif, il fait partie de ceux qui ont occupé l’académie du climat ainsi que le 104 avant la maison des métallos. Pour lui, « le gymnase, c’est mieux que d’être dehors parce qu’on dort au chaud, on va se laver tranquille, on a à manger, mais la lutte continue puisqu’on n’a pas de garanties sur ce qui va se passer après les Jeux olympiques ». 

Pour beaucoup de jeunes, le risque de retourner vivre dans la rue est grand. Lorsque les mineurs non accompagnés arrivent en France, ils doivent passer une évaluation de minorité afin de pouvoir être pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Un test que beaucoup d’associations dénoncent : subjectif et expéditif. Les autorités réfutent souvent la minorité des demandeurs pour qui la seule solution reste de contester la décision auprès d’un juge pour enfants. Ce recours peut prendre jusqu’à plusieurs mois. Pendant ce temps, les mineurs n’ont aucun statut reconnu par les institutions.

« C’est une bataille qui dure depuis longtemps, parce que les mineurs isolés sont victimes de la politique raciste du gouvernement Macron. Ils sont livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris », déplore Laurent Sorel, conseiller à la ville de Paris. « Quand ils font un recours, personne ne veut s’occuper d’eux alors que le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant exige que la France prenne en charge ce qu’on appelle des présumés mineurs jusqu’à ce que la procédure aille à son terme. D’où le fait qu’ils aient occupé la maison des métallos et obligé la ville à prendre ses responsabilités parce qu’évidemment, l’État ne prend pas les siennes », poursuit-il.

Le contexte politique leur fait craindre le pire

Pour les militants et les élus sur place, le contexte actuel, mêlant l’arrivée des Jeux olympiques et la montée de l’extrême droite, est inquiétant pour les droits de ces mineurs isolés. Tous craignent une accélération des expulsions et un renforcement de la répression policière.

C’est le cas de Mathieu, investi auprès du collectif 20ᵉ Solidaire avec tout.es les migrant.e.s. « Depuis des années, Macron mène déjà une politique contre ces jeunes. Et puis là, clairement, avec le Rassemblement national, qui est un parti fasciste, qui depuis des décennies promeut la préférence nationale, la fermeture des frontières, clairement, j’ai peur pour les jeunes. » 

Les jeunes nous ont montré ces derniers mois qu’il n’y avait pas de fatalité

Mais Mathieu reste optimiste en voyant les portes que le collectif des jeunes du Parc de Belleville a réussi à ouvrir. Il les félicite pour les gymnases que la mairie a mis à disposition grâce à leur bataille et souligne aussi le fait que la police n’ait pas été mobilisée pour l’évacuation sur demande des jeunes. « Ce sont eux qui ont fait comprendre qu’on n’avait pas besoin de la police nationale pour organiser une évacuation de la sorte. Il y a des choses positives que les jeunes ont obtenues », applaudit-il. « Il y a la menace qu’on a face à nous, mais aussi l’espoir si on se mobilise. Les jeunes nous ont montré ces derniers mois qu’il n’y avait pas de fatalité. On doit se battre, on doit se mobiliser entre nous, là où on vit, là où on travaille. »

Jeanne aussi redoute ce qui pourrait arriver dès le 7 juillet et avec l’approche des Jeux Olympiques. « Ce matin encore, il y a eu une évacuation à Jaurès. C’est pour ça d’ailleurs qu’il y a plein de jeunes à la rue qui se sont retrouvés devant les métallos au moment de la mise à l’abri. Ils venaient d’être expulsés de leur tente. Et on sait que pendant les JO, l’objectif sera qu’il y n’ait aucune tente visible. On ne sait pas exactement comment est-ce que l’État va procéder. Est-ce que ce sera une espèce de chasse à l’homme jusqu’à ce que les gens soient cachés en périphérie comme à Calais ? » Pour alerter sur leurs conditions et défendre leurs droits, le collectif des jeunes du Parc de Belleville appelle à une nouvelle mobilisation vendredi sur la place Saint-Gervais à 18 heures.

Lilia Aoudia

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