Dimanche 28 mai. Créteil. Soleil plein. Lunettes. Casquettes. Baskets. Claquettes. Chaussettes. Buvette. Plus de 1 500 personnes se sont retrouvées au stade Duvauchelle pour un événement désormais très attendu ici, la Coupe Nationale des Quartiers.

Cette année encore, c’est à Créteil que ça se passe, là où tout a commencé en 2019, un soir de classico, un Barça-Real plus exactement. Moussa Sow, fondateur de la CNDQ, et ses amis du quartier des Bleuets à Créteil décident de rejouer le match en petit comité. Le petit comité s’est transformé en tournoi inter-quartiers dans cette ville de près de 100 000 habitants, puis en célèbre CAN, avant de grandir un peu plus.

Aujourd’hui la CNDQ, c’est un tournoi masculin et féminin, des arbitres officiels, des maillots aux couleurs des pays représentés, avec le logo du sponsor de cette édition, Heetch. Certaines joueuses ayant participé à la CNDQ 2022 ont soulevé il y a quelques jours la coupe du championnat d’Europe des U17. “Une fierté” lance Namnata Traoré, la speakeuse de cette journée de reprise, mais aussi l’attaquante au RC Lens : “c’était obligé, elles sont incroyables, elles étaient déters et techniques, comme souvent au quartier, voilà le résultat”. 

Ce dimanche, à Duvauchelle, les mamans s’installent sur des chaises pliantes en bords de terrain : “on est là pour voir nos enfants jouer mais aussi pour voir nos copines”. Sabrina est jeune maman. Ce dimanche elle est venue de Bonneuil-sur-Marne, avec ses trois garçons âgés de trois à treize ans “pour les enfants c’est magique. Ils s’amusent en bord de terrain avec leurs ballons, les plus petits découvrent l’ambiance d’un stade, c’est la première fois que je viens c’est une super sortie famille, et gratuite en plus !”. 

En bord de terrain, des acteurs locaux ont posé leurs stands pour présenter leurs associations, leurs marques. L’objectif ? Faire connaître leurs projets, mais aussi “sensibiliser la jeunesse à l’engagement associatif et entrepreneurial” explique Silly, le président de l’association, 94e rue, basée à Villejuif.

Aide aux devoirs, distributions alimentaires, chantiers solidaires, soirées débats, l’association n’a pas chômé depuis sa création, il y a dix ans. Le dernier projet en date s’appelle “Matofali” (“brique” en swahili, la langue officielle des Comores), avec l’argent récolté, l’association envisage de fonder un orphelinat et rénover un centre médical aux Comores “ on s’est dit qu’il n’y avait pas plus symbolique que d’acheter réellement une brique pour apporter sa brique à l’édifice”.

Quelques mètres plus loin, on croise Farouk, fondateur de la marque Wowmom Caps, partenaire historique de la CNDQ. Farouk est aussi un ami d’enfance de Moussa, fondateur du tournoi : “je suis là aujourd’hui, comme je le suis depuis le début. Ça me permet de parler de ma marque, mais je fais aussi partie de l’équipe d’organisation qui installe les bâches et la sono quelques heures avant que tout le monde arrive. C’est parti d’un coup de tête, on était quelques potes, ça fait plaisir de voir autant de monde aujourd’hui. Regarde, les gens arrivent en bande !” lance-t-il en regardant les équipes de sécurité.

Parmi les spectateurs, Yoan et Hatim, 18 ans. Ils habitent tous deux Créteil : “c’est un événement qu’on attend chaque année, ça anime la ville, on rencontre des gens qui ne viennent pas de notre quartier ou de Créteil. C’est une fierté de dire que ça vient de chez nous” commence Hatim. “Oui, surtout que ça grandit et c’est beau, mais c’est important de continuer de la faire aussi ici, à la maison” complète Yoan.

Quelques mètres plus loin on croise un groupe de filles. Parmi elles, Keïssya et Meïssa, toutes deux 15 ans et originaires du 94, de Fresnes : “c’est la première fois qu’on vient à ce tournoi là, mais on est des habituées des CAN des quartiers en général. En fait, c’est devenu une sortie comme si on allait à Paris, manger dehors, au cinéma, faire les boutiques. C’est gratuit, on voit nos potes, on rigole, on danse, on s’amuse, que demander de plus ?”. 

Des buts ? “oui, c’est ce qui met de l’ambiance, mais on ne va pas se mentir, on vient surtout pour faire quelque chose” sourit Meïssa. Les matchs sont connus pour être riches en rebondissements. C’est le cas du match d’ouverture, Congo-Maroc. Le Congo – vainqueur de la dernière CNDQ – aura dominé le Maroc pendant les trois quarts du match. Et pourtant, le Maroc, qui a gagné la première coupe en 2019, se rattrape dans les dernières minutes et remporte ce premier match.

Mehdi s’apprête à rentrer sur le terrain avec le maillot des Antilles, qui affronte ce jour-là la Côte d’Ivoire. A 25 ans, ce joueur est déjà une petite star à Créteil : “j’avoue, le retour au quartier après la CNDQ c’était une dinguerie alors qu’on a perdu en plus, mais le documentaire a fait son taf, on s’est fait porter par les supporters antillais, on nous saluait dans la ville, c’était n’importe quoi”. Mehdi se fait interpeller 4-5 fois en tout pendant notre discussion expresse, les faits sont là.

Il poursuit : “Ce tournoi grandit, et c’est très bien. D’un point de vue personnelle, pour nous c’est incroyable, je vais pas vous mentir, suite à la CNDQ j’ai reçu pas mal d’appels de coachs l’été dernier. Ensuite, c’est un événement qui change l’image des quartiers. Dans les médias c’est toujours compliqué, on parle toujours de violence. Des événements comme ça, organisés par des gens de quartiers, pour des gens de quartiers, c’est la meilleure des réponses. Des milliers de personnes réunies dans l’amour et la bienveillance, sans débordement, t’en connais beaucoup toi ?” C’est vrai que, même le stade de France n’y arrive pas toujours.

Moussa est cofondateur de l’application UFT, qui permet de créer, gérer ou participer à des événements foot, partenaire de la CNDQ également il rebondit aux propos de Mehdi : “Nos quartiers sont probablement les territoires les plus solidaires et les plus soudés du monde. C’est beau de le voir et de le montrer avec un événement aussi rassembleur. En réalité, c’est une grande fête !”. Une fête qui a prévu de durer tout le mois de juin, chaque week-end à Créteil.

Sarah Ichou

Photos : Thidiane Louisfert

 

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