« On m’appelle le Loup, car c’est la nuit que je puise ma force. Il se passe des choses incroyables à ce moment-là », explique Hamadi Latifi, en souriant. Nous le rencontrons au Gymnase de la Chapelle-en-Serval en Picardie. Le complexe est le point de départ des boucles de 4 km et fait également office de lieu de repos.

Hamadi a emménagé dans cette ville à six ans avec ses parents, un père ouvrier et une mère employée dans une crèche. Véritable boule d’énergie, il est pompier volontaire en parallèle de son emploi d’ingénieur mécanique.

Depuis un an et demi, il s’est aussi mis à se lancer des défis sportifs qu’ils partagent sur les réseaux sociaux. Des courses longue distance, comme Paris-Dieppe ou des formats de 24 heures. Il a aussi fait une marche Toulouse-Paris pour l’association «  Muslim Hands » afin de financer des bus scolaires.

Quand on voit le prix de certains marathons, c’était important pour moi que ce soit gratuit, qu’il n’y ait pas de barrière

Ce samedi après-midi, Hamadi est partout. Il veille à ce que tout se déroule bien pour les coureurs, les bénévoles et l’organisation. Son énergie débordante fait l’unanimité. « Il nous fatigue, blague son ami d’école en riant. Il fédère beaucoup, c’est ça qui est bien. La preuve, regardez le monde qu’il y a. »

Ses collègues pompiers de la caserne de la Chapelle en Serval, présents pour la course, le décrivent comme une fusée et un grand passionné de sport. « Je ne sais pas comment il fait. Il est toujours joyeux. Il donne tout aux gens. Pourtant, je ne le connais pas », ajoute Elsa, une participante.

 

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D’année en année, les rangs du 24H du loup prennent de l’ampleur

La première édition s’est faite assez spontanément. Il a adapté le challenge « 4x4x48 » de David Goggins qui consiste à faire quatre miles toutes les quatre heures pendant 48h. Cela a donné naissance au  format des 24H du Loup : courir 4h toutes les heures durant 24h.

« J’avais posté en story 3 jours seulement avant de le faire, pour que les gens viennent m’aider à relever le défi. Et 21 personnes ont répondu présentes », raconte Hamadi. Il décide ensuite d’en faire un évènement en octobre 2022.

« Quand on voit le prix de certains marathons, c’était important pour moi que ce soit gratuit, qu’il n’y ait pas de barrière », précise Hamadi. Pour cette 3ᵉ édition, l’évènement compte 200 participants. Ils viennent principalement de la région parisienne et de l’Oise, mais aussi de Toulouse, Montauban, Lille, et même de Bruxelles et Genève.

La course commence samedi à 8 heures et se termine le dimanche à la même heure dans cette ville de 3 000 habitants, située à 15 minutes de Roissy-Charles de Gaulle. Le défi est accessible à tous car chacun court le nombre de boucles de son choix, une, deux, six ou plus. Les plus déterminés, font les 24 boucles, soit 96km. « Ce n’est pas une compétition, il n’y a ni gagnant ni classement. Le but est de soulever “une meute” pour permettre à tous de se dépasser », insiste-t-il.

Une course collective où tout le monde ressort gagnant

Hamadi guette l’horloge du Gymnase. Cinq minutes avant le départ, sa voix résonne au sein du complexe sportif, afin de rassembler les coureurs vers le point de départ. Face aux participants, il anime et danse pour motiver « sa meute ». Quand la musique s’arrête, « Le Loup » donne le top départ et tout le monde s’élance pour une nouvelle boucle.

« C’est une course rythmée, quand je donne le départ, tout le monde n’est pas prêt à repartir. Et là, c’est le mental qui doit prendre le dessus. » Infatigable, il fait des allers-retours dans le peloton pour pousser ceux qui ralentissent.

Je ne pensais pas que j’étais capable

En dépit de la fatigue visible à mi-challenge, l’ambiance est décontractée. Pour Abed, 33 ans, venu de Toulouse avec ses amis, l’intérêt est de rencontrer d’autres personnes et découvrir leur vision du sport. Il fait la totalité des 24H, comme l’année dernière. La fatigue commence à se faire ressentir dans les jambes du Toulousain, mais il reste déterminé. « L’alternance course-pause ajoute de la difficulté. Je suis assis là, ça m’explose et je dois repartir ! », souffle-t-il.

Elsa, 49 ans, vient de Boran-sur-Oise. Elle participe aussi pour la seconde fois. « Tout le monde se parle et se motive. Humainement, c’est super », salue-t-elle. Elsa s’est inscrite pour faire cinq boucles, finalement, elle vient de finir la neuvième et en vise au moins douze. « Je ne pensais pas que j’étais capable », confie-t-elle.

Organisation sous le signe de la solidarité et du système D

Pour cette édition, un espace massage et récupération a été mis en place. Une première. Kinés et ostéopathes se relayent pour s’occuper des participants. C’est également un challenge pour ces professionnels qui sont venus bénévolement.

Psychologiquement, il est important d’officialiser les arrivées, nous explique Hamadi. Le système classique, lors des courses, consiste à un dossard et un détecteur qui s’actionne lors du passage du coureur. « Le dossard rappelle une compétition et le système coûte minimum 4 000 euros », indique-t-il. Il a donc paramétré un raspberry (micro-ordinateur) qui est relié un à un lecteur de badge.

J’ai des étoiles dans les yeux, c’est magnifique

Les participants ont un badge nominatif et à chaque fin de boucle, ils badgent. Ils connaîtront, après l’évènement, le nombre de km parcourus et de boucles effectuées. Une solution peu coûteuse qui correspond à l’état d’esprit du challenge.

Même si le nombre de participants augmente à chaque édition, Hamadi souhaite préserver l’état d’esprit familial, non compétitif et accessible au plus grand nombre. « J’ai des étoiles dans les yeux, c’est magnifique. Les gens me disent à chaque fois qu’ils ne pensaient pas pouvoir le faire. C’est impossible que je m’arrête. »

Samira Goual

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