Clichés. Les œuvres lauréates de la commande photographique nationale Regards du Grand Paris s’exposent aux Magasins Généraux de Pantin, au Musée Carnavalet-Histoire de Paris mais aussi sur plusieurs sites du Grand Paris, jusqu’au 23 octobre.

Un projet lancé par les Ateliers Médicis et le Centre national des arts plastiques. De 2016 à 2021, ce sont 337 œuvres de 38 artistes qui ont été mises à l’honneur.

Aux Magasins généraux, le Grand Paris est abordé par le biais de ses paysages naturels ou urbanisés, ses cultures, ses chantiers, ses habitants, ses traces. La scénographie figure une ville dans laquelle visiteuses et visiteurs déambulent.

Nos distances vues par les usagers du RER B

L’installation RER B-ANLIEUES de Assia Labbas, lauréate en 2021 sur le thème « Observer nos distances », nous a particulièrement marqués.

Les distances y sont observées du point de vue des usagers de la ligne du RER B. L’installation photographique, que l’on retrouve également au Musée Carnavalet-Histoire de Paris, est accompagnée d’un film documentaire.

La photographe, qui est aussi journaliste, « interroge l’impact des images dans la représentation du département de la Seine-Saint-Denis. À l’encontre des clichés, elle nous dévoile, à travers les vitres du train, des vues inédites des paysages et des vies qui les habitent ».

Le décor de nos quotidien

Le défilé de photographies en petit format rappelle une projection de diapositives. Comme dans un foyer, les visiteuses et visiteurs sont amenés à remonter le fil de souvenirs, un film de famille.

Les lieux capturés sont ceux qu’on traverse, le décor de nos quotidien : coins de rue, marchés, boutiques LycaMobile, restaurants asiatiques ou orientaux, magasin Action, basilique Saint-Denis, aéroport du Bourget, parc de la Poudrerie.

Sur ces images, on entend la voix d’une dizaine d’usagers du RER B qui s’entrecroisent. Cette parole intime et libérée évoque les moments paisibles ou stressants, les retards, la lassitude. Progressivement, des sujets plus sensibles sont abordés. Comme la relégation de certains territoires, les délimitations symboliques et géographiques que traverse cette ligne emblématique du Grand Paris.

« Quand tu sors du 93, tu rentres vraiment en France »

Les témoignages deviennent particulièrement émouvants lorsqu’ils abordent le racisme, le mépris de classes, les injonctions que subissent certains usagers comme autant d’agressions intériorisées. Une jeune femme qui utilise au quotidien le RER B pour aller travailler à Paris en témoigne  : « C’est épuisant de toujours devoir justifier sa présence ». Un autre usager se remémore ses impressions : « Quand tu sors du 93, tu rentres vraiment en France ».

De cette parole, surgit également le constat, parfois résigné, d’une gentrification galopante. Et les doutes persistants quant à la promesse du Grand Paris : rapprocher Paris et les banlieues. Un autre regard.

Née en 1991, Assia Labbas vit et travaille en région parisienne. Après des études de lettres et de journalisme, elle écrit pour le Bondy Blog, The New York Times et se spécialise dans l’investigation et le documentaire. En 2019, elle intègre l’Ecole Kourtrajmé où elle écrit le scénario d’un court-métrage. En 2020, elle réalise l’installation « Cacophonique » exposée au Palais de Tokyo.

Nassera Tamer

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