Fin 2019 : là où tout a commencé. Foulé, 19 ans, originaire de Saint-Ouen l’Aumône (95), veut redorer l’image des banlieues. Son projet est alors d’aller à la rencontre des banlieusards pour raconter leur quotidien. Pour son premier portrait, elle contacte Chahinaz, qui a le même âge et a grandi entre Nanterre (92) et Nancy. La Nanterrienne, qui avait eu une idée similaire, refuse d’être portraiturée mais lui propose d’avancer sur un projet commun. C’est ainsi que naît « Plume Banlieue ».

Depuis, l’équipe s’est agrandie et le projet a pris de l’ampleur. Sur l’Insta du média, qui compte près de 10 000 abonnés, on trouve des portraits, des photos, des dessins ou encore des poèmes. Les jeunes banlieusards qui sont aux manettes restent fidèles à leur ligne de conduite, simple, basique : « Raconter les banlieues à travers les yeux, les voix, les récits et les plumes de ses habitants ».

« On tenait à partager cette journée avec les gens qui nous donnent de la force »

Une belle histoire qui nous amène au troisième anniversaire de Plume Banlieue. Si les deux précédents avaient été fêtés en comité restreint, les membres de l’équipe ont, cette fois, décidé de marquer le coup en conviant leur communauté : « On tenait vraiment à partager cette journée spéciale avec les gens qui suivent notre travail au quotidien et nous donnent de la force », assure Chahinaz.

Chips, boissons, musique… tout est réuni pour passer un moment convivial entre bénévoles et abonnés. Lors de l’événement, ces derniers peuvent contempler photos, poèmes et dessins Made in banlieue, exposés sur les murs de la Maison de la Conversation.

Les poèmes et dessins initialement publiés sur le compte Instagram de Plume Banlieue ont été exposés sur les murs de la Maison de la Conversation

 

 

Dans les coulisses de Plume Banlieue

En parallèle de l’exposition, le programme de la journée est chargé. Il commence avec un workshop. Assise sur une estrade face à une vingtaine de curieux, Chahinaz précise le thème de l’atelier et plonge les abonnés dans les coulisses de Plume Banlieue.

« Mettez-vous dans la peau des membres de l’équipe. Si on vous demande de produire un contenu quelconque qui représente à vos yeux la banlieue, en vous laissant carte blanche sur la forme, qu’est-ce que vous pourriez nous proposer ? »

Dans la salle, les idées fusent. Tout le monde prend la parole pour parler d’éléments du quotidien qui symbolisent la banlieue : barres d’immeubles, grecs, city stades… Une émulation collective où se mêlent souvenirs partagés et sensibilités singulières.

On est juste des débrouillards qui apprenons tout sur le tas

Chacun et chacune argumente et défend ses idées, qui, aux yeux de Chahinaz, se valent toutes autant. « Plume Banlieue, c’est un espace d’expression où on peut publier tout ce qu’on a envie de dire, tout ce qu’on a envie de faire », appuie-t-elle.

« En fait, on s’autorise le droit d’être nazes, complète Sid-Ahmed – alias Sidox –, co-animateur de l’atelier. Quand on lit nos premiers poèmes, on remarque plein de fautes d’orthographes, mais on s’en fout. On n’est pas des professionnels, on est juste des débrouillards qui apprenons tout sur le tas ».

« Du virtuel au réel » : lecture à voix haute

La lecture de poèmes, c’est justement ce qui a suivi l’atelier workshop. Réunis en cercle, Capri-Sun en main pour certains, tout le monde a pu échanger autour de quelques textes publiés sur le compte Insta du média. Des textes lus à voix haute, puis commentés par leurs auteurs et autrices.

Les thèmes abordés sont divers. Asmaa lit avec émotion son « Hymne à la vie en HLM », poème dans lequel elle redonne de la beauté et du sens à l’ascenseur de son immeuble. Sidox parle d’un air déterminé de « L’étincelle » qui le pousse chaque jour à tout donner pour satisfaire sa dalle insatiable.

Ce ne sont plus des likes qu’on reçoit mais de vrais retours, et c’est juste magique 

Le public écoute attentivement chaque lecture, applaudit puis pose ses questions : comment trouver du temps pour écrire ? Comment formuler les bons mots ? Comment parvenir à retranscrire ses émotions à l’écrit ? Dans une atmosphère bienveillante, des discussions sérieuses s’amorcent.

« Ça m’a vraiment fait plaisir d’animer un atelier comme celui-ci parce que, là, on passe du virtuel au réel. On lit nos textes et ce ne sont plus des likes qu’on reçoit mais de vrais retours, et c’est juste magique », s’émeut Sidox.

« Faire grandir nos projets en banlieue » : un travail à mener ensemble

En fin de journée, pour conclure en apothéose cet événement, l’équipe de Plume Banlieue reçoit deux invitées de marque : Inès Seddiki, fondatrice et présidente de l’association Ghett’up, et Sarah Ichou, directrice du Bondy Blog.

Aux côtés de Foulé et Chahinaz, les intervenantes se penchent sur un vaste sujet : comment faire grandir nos projets en banlieue ? La discussion, animée par Sidox, amène une multitude de précieux conseils. Les intervenantes insistent beaucoup sur l’importance du terrain, quel que soit le projet entrepris.

Grâce à la participation du public, la discussion dévie vite sur de nombreux sujets : comment motiver les habitants des banlieues qui n’ont plus d’ambition, comment sensibiliser les plus jeunes aux multiples possibilités d’orientation scolaire…

Il y a tout un travail de défrichage à faire pour les prochaines générations

« Il y a tout un travail de défrichage à faire pour les prochaines générations, il faut les pousser à aller au bout de leur potentiel, affirme Inès Seddiki. Par exemple, beaucoup de jeunes de banlieue adorent le foot mais pensent que c’est « footballeur ou rien ». Mais pas du tout ! Il y a plein de métiers dans le milieu du foot, que ce soit dans la comptabilité, l’événementiel, le marketing, etc. Ça, ils ne le savent pas, et c’est là qu’on a un rôle à jouer. ».

À l’image de ce talk rassemblant divers acteurs qui œuvrent à mettre en valeur les quartiers populaires, le message principal reste : l’union fait la force. « Tous nos combats doivent être menés conjointement. Il n’y a pas de secret, si on veut faire évoluer les choses, on doit travailler tous ensemble », insiste Chahinaz.

Ayoub Simour et Malika Cheklal

 

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