Soir de match. L’ambiance est bon enfant, presque studieuse, au Palais des Sports de Bondy. Organisé par la ville de Bondy, l’événement compte une centaine de spectateurs pour cette rencontre historique entre la France et le Maroc. L’enjeu est même plus intense pour les supporters marocains, témoins de la première qualification de leur équipe en demi-finale du Mondial.

Mais cinquième minute après le coup d’envoi, c’est la douche froide. Théo Hernandez ouvre le score pour les Bleus. Certains hurlent de joie, d’autres grimacent. Pas question de baisser les bras, il reste encore du temps. « C’est chaud, mais je suis confiant », veut croire Mourad, un drapeau marocain sur les genoux et les yeux fixés sur l’écran.

« J’ai préparé mon drapeau de la France si jamais les Bleus gagnent »

Les minutes défilent, et le Maroc pousse en fin de première période. Jawad El-Yamiq, défenseur des Lions de l’Atlas, trouve le montant d’Hugo Lloris après un geste acrobatique avant la mi-temps. Du côté des supporters marocains, on profite de la pause pour pronostiquer sur les 45 prochaines minutes. « Le Maroc peut revenir. Je pense qu’il y aura 1-1. Si on se remotive, on passe, je ne suis pas stressée », se rassure Amel qui table déjà sur le gardien, Yassine Bounou, en cas de tirs au but.

« J’ai préparé mon drapeau de la France si jamais les Bleus gagnent », s’amuse-t-elle. « Je suis marocaine et française, si une des deux équipes passe, ce sera une victoire », relativise la jeune supportrice du haut de ses 15 ans.

Il a mis les deux maillots avant de sortir parce qu’il ne savait pas qui allait gagner

Dans ce registre, impossible de faire mieux que Fayissoile. Le gamin de 8 ans est venu accompagné par son père, Youssouf. Couleurs françaises sur les joues et maillot marocain empilé sur un maillot français. « La France va gagner la Coupe du Monde et c’est Mbappé qui va marquer », prédit, tout sourire, Fayissoile. Son père en rigole : « Il a mis les deux maillots avant de sortir parce qu’il ne savait pas qui allait gagner ». Les deux ont finalement fait leur choix, ce sera les Bleus.

Célébration près de l’église de Bondy, le 14 décembre 2022. ©AbdoulayeDiop

Le Maroc sort par la grande porte

À ce moment-là, l’autre natif de Bondy, Randal Kolo-Muani, inscrit le deuxième but pour les Bleus. Score final : deux buts à zéro. Le Maroc est éliminé, mais sort du Mondial par la grande porte. Ils ont réalisé un parcours historique et inoubliable. « On est content pour la France, mais arriver en demi-finale, nous sommes la première équipe africaine à l’avoir fait », rappelle Kamélia.

« C’est un exploit, c’est historique. Pour le moment, on est la meilleure équipe africaine. C’est bon signe pour la suite, même si la défaite fait mal », admet Kamélia. La Bondynoise apportera tout de même son soutien à la France lors de la finale ce dimanche face à l’Argentine.

Mbappé représente le 93, Je suis trop fière de ma ville

La fin du match sifflée par l’arbitre de la rencontre vide rapidement le Palais des sports. Place aux scènes de liesse, près de l’église de Bondy. Cynthia, une bondynoise de 40 ans, a arrêté son véhicule au beau milieu d’un rond-point. « S’il faut les faire, on va les faire ! (NDLR : l’équipe d’Argentine) », crie-t-elle à une foule qui reprend son chant de vive voix. « On est tous déterminés, Mbappé représente le 93. Je suis trop fière de ma ville », exulte-t-elle.

« Dimanche ? On va mettre le feu ! Si Messi marque un but, on le ramène tranquillement en Argentine. Mais Mbappé va marquer, l’avenir de demain, ce sont les jeunes de Bondy », ajoute-t-elle avant d’haranguer la foule une nouvelle fois. « Si ça dégénère, rentrez chez vous », prévient Cynthia avant de reprendre le volant.

Sur les Champs-Élysées, les supporters des Bleus savourent

« La victoire de la France représente beaucoup. On est vraiment contents », sourit Hichem, un Algérien de 35 ans qui vit en France depuis 1 an. Il est environ 23 heures et malgré la nuit glaciale une foule immense est venue célébrer la victoire des Bleus sur les Champs Élysées.

« Bien que je ne sois pas français, je suis vraiment heureux pour mes frères français, s’enthousiasme Hichem. Ils méritaient de gagner, mais je supporterai l’Argentine pour la finale ! »

C’était important de venir sur les Champs. Le mondial a lieu seulement tous les quatre ans

Pour Mamadou, 17 ans, cette soirée est historique : « C’était important de venir sur les Champs. Le mondial a lieu seulement tous les quatre ans, on n’est pas sûr d’en arriver là à chaque Coupe du Monde ». 

Un concert de klaxons et de cris de joie envahit l’avenue des Champs Élysées. Un supporter affublé du maillot de Zidane en 98, s’époumone : « Allez les bleus ! ». Avant de se faire prendre en photo à côté de policiers stoïques. Des centaines de jeunes traversent le boulevard sous l’œil des forces de l’ordre, mobilisés en nombre.

« Il faut fêter la victoire. On ne sait pas ce qu’il peut arriver »

En dépit des risques de débordement, une crainte mise en scène sur les plateaux télé toute la journée, l’ambiance est fraternelle et conviviale. Des drapeaux de la France, du Maroc et même de l’Algérie flottent dans la foule. Des portables sont brandis pour immortaliser cet événement historique : c’est la première fois que la France atteint une finale de coupe du monde deux fois de suite !

Mamadou relève que si la France fait un sans faute, la compétition reste très dure :  « Il y a de grandes équipes, c’est pour ça qu’il faut fêter la victoire. On ne sait pas ce qu’il peut arriver ».

Les festivités se poursuivent. À mesure que le temps passe, la foule converge vers l’arc de Triomphe, mais des policiers leur en bloquent l’accès. Les gens se réunissent alors devant le mur de sécurité pour exprimer leur joie. Une marseillaise est même entonnée.

Viser les trois étoiles sur le maillot

« C’était vraiment compliqué. Ce n’était pas un match facile. Il y avait trop de tension. Les Marocains ont bien joué », note Hichem en saluant le jeu d’Antoine Griezmann. Le français a d’ailleurs été élu homme du match.

En deuxième mi-temps, les Français ont concédé de nombreuses actions. Mis en difficulté, ils n’ont pas été en mesure d’imposer pleinement leur jeu, malgré un second but dans la deuxième période.

« Le jeu de la France n’était pas terrible, mais ils ont quand même bien défendu. Deschamps saura comment les ajuster en finale », espère Hichem. Il faudra attendre dimanche pour savoir si les Bleus pourront arborer une troisième étoile sur le maillot.

Abdoulaye Diop et Hervé Hinopay

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