C’est une carlingue blanche, posée près d’un pont. C’est en fait un avion, qui n’a pas d’ailes. Ici, rien ne se passe comme ailleurs. On présente son passeport, sans enregistrer ses bagages. On entre, on pousse, on se presse pour avoir les meilleures places, celles où les oreilles ne siffleront pas en plein vol. C’est un Airbus ou un Boeing avec mille ou peut-être deux mille sièges. Mieux vaut attacher sa ceinture, parce qu’aux commandes de l’appareil, il y a Jean-Charles de Castelbajac, un chevalier ciel. Ça promet des loopings et des tours dans les airs.

12h30. Il fait noir dans la carlingue. Les flashs flashent. Il paraît qu’on s’envole vers Bamako. Ou Ouagadougou. On ne sait pas trop. Et c’est bien mieux comme ça. Les gens connus squattent la première classe. Il y a là Amber Rose, l’ex de Kanye West, une étoile parmi les comètes. Il y a là Dita Von Teese, la Lune dans le ciel ombragé. Deux proches de JCDC. Il y a d’autres gens, beaucoup d’autres, venus pour qu’on les voie. Et d’autres encore, qui n’avaient pas vu le ciel depuis longtemps, on leur a proposé de monter, ils ont accepté. Venez, allez, embarquez.On s’impatiente. On s’inquiète. Va-t-on décoller ? Le pilote se serait-il endormi ? Les lumières s’éteignent, enfin. Des néons s’allument, blancs. Une hôtesse énumère les mesures de sécurité. L’avion prend de la hauteur. Et la musique tonne. Une stewardesse ouvre le bal, se prélasse sur le podium. Dans le public, ça défouraille. On s’excite sur cette femme, noire, immense sur des talons immenses, moulée dans son tailleur. Ses traits sont fins, magnifiques. Ses lèvres sont d’un orange explosif.

 

Les néons passent au jaune, au rouge, au bleu, à l’orange, au rose, au vert. C’est un arc-en-ciel, dans le ciel maintenant dégagé. On a quitté la grisaille pour une terre chaude, métissée et colorée qu’on voudrait habiter, les yeux fermés. Les femmes ont toutes cet orange explosif qui dessinent leurs lèvres, leurs cheveux fins coulent sur leurs épaules. Le Petit Prince s’invite parfois sur les chemises. Avec des étoiles, filantes ou immobiles. Des robes-livres. On suit Vol de Nuit qui traverse le podium avec grâce. Arrive Terre des Hommes. Et des hommes, en voilà, des vrais. Ils portent des shorts et des chapeaux melons. Il y a des phrases sur des rubans, celle-ci par exemple : « L’essentiel est invisible pour les yeux », (très Saint-Ex, le Castel). Ou des colliers avec la Tour Eiffel, toute dorée, pareils à ceux qu’on achète aux vendeurs à la sauvette.

Cette fois, nous sommes arrivés à destination. Musique. Les tissus sont africains. Les mannequins sont des gazelles qu’on voudrait arrêter, mais elles filent comme le vent. Voici des zèbres. Une trompe d’éléphant surgit sur une jupe jaune cintrée. Mais la nuit tombe vite par ici, il est temps d’enfiler les robes du soir. Robes ? Malheureusement pour elles, à la façon d’un Magritte qui niait la Pipe, JCDC nie la Robe. « Ceci n’est pas une robe du soir », proclame l’une d’elles. Faudra repasser. Dans ce super-jumbo de l’imaginaire, les femmes ne portent pas de bijoux, mais des coussins qu’on utilise pour dormir dans l’avion. C’est plus simple.

On redécolle. On aurait tellement voulu resté dans cette jungle, à jamais. Dans ce pays qui offre tant de rêves, de paysages, de chaleur. Avant d’atterrir, le pilote est venu saluer les passagers. JCDC n’a pas fini de nous transporter. La prochaine fois, on ira en… The end.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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