« Y a quelqu’un qu’on connaît ? » Non, monsieur, pas encore. Samedi dernier, la cohue au centre commercial Rosny 2 a attiré les curieux. Et pour cause, devant les vitrines s’est formée une file d’attente longue qui semble annoncer la venue d’une star. En fait, ce jour-là, les nombreuses jeunes filles ne sont pas venues demander un autographe, cette fois, les stars, ceux sont elles. Pomponnées, elles sont toutes là pour la même chose : le casting ELITE.

La prestigieuse agence de mannequins a réitéré son opération de l’an passé. Un jury de professionnels qui parcourt la France à la recherche des tops modèles de demain. Un tapis noir déroulé, un stand coiffure, des photographes et un jury, un vrai. Les jeunes filles, toutes munies d’un numéro sont appelées à se présenter. Elles défilent. Avec plus ou moins d’aisance, plus ou moins d’assurance. Agées de 14 à 20 ans, elles accourent des environs. Noisy-le-Grand, Bondy, Drancy, Epinay, Gagny, Montfermeil… Est-ce qu’elles y croient ? Elles disent que non, « c’est juste comme ça ». Mais leur regard les trahie. Elles espèrent. Ça se voit. Pour la plupart, c’est le premier casting de leur vie.

Awa a 17 ans, elle est en BEP sanitaire et social et se confesse : « Si ça c’était passé sur Paris, on n’y serait pas allées, alors là, on tente notre chance. » Elles tentent, se lancent. Rares sont celles qui répondent aux critères. Jolies, mais un peu trop petites, un peu trop « potelées ». Qu’importe, armées de leur féminité elles se déhanchent, tentent tant bien que mal de braver les dizaines de pairs d’yeux qui les scrutent. L’exercice est éprouvant. Les passants, le jury, autant de regards braqués sur leur chair, sur leurs talons qui s’entre-chassent maladroitement.

Il y a celles qui ont sorti la panoplie, pas vraiment de très bon goût. Hyper-lookées, sur-maquillées. Celles-ci ont leur minute de gloire et retournent chez elles. Et il y a celles qui créent la surprise. Une jeune fille d’origine africaine défile sans conviction. Pas maquillée, pas apprêtée, elle est venue comme elle est. Le jury l’interpelle. « Tu peux enlever tes lunettes ? », elle s’exécute et défile une deuxième fois. Pour elle, c’est bingo, elle est sélectionnée.

Elle et quelques autres qui ont « un petit quelque chose », certes. Mais elles sont surtout grandes et maigres. Sans conteste, les mannequins de demain seront un peu plus colorés, et on s’en réjouit. Avec un peu de chance, bientôt, elles auront aussi de la peau sur les os.

Joanna Yakin

Joanna Yakin

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