Après sept mois loin des siens dont soixante-dix jours jours en prison au Bangladesh, Maxime Puemo Tchantchuig, devenu Moussa Ibn Yacoub, est venu saluer et remercier les centaines de personnes présentes mercredi 10 août devant la mairie de Montreuil. Reportage.
Aujourd’hui c’est un grand jour pour moi mais aussi pour les personnes qui se sont mobilisées pour ma cause”. C’est sourire aux lèvres que Moussa Ibn Yacoub a prononcé ces mots. Cette prise de parole, ils étaient nombreux à l’attendre. Ce mercredi après-midi, plusieurs centaines de personnes environ se sont réunies devant l’hôtel de Ville Montreuil, commune d’origine où une conférence de presse était organisée avant le décrochage du grand portrait placé sur le fronton de la mairie. « Un honneur pour moi et ma famille surtout » que ce portrait, raconte l’humanitaire. Le maire, le communiste Patrice Bessac, un des très rares politiques à l’avoir soutenu, se réjouit que « la ville fête le retour de l’un de ses enfants ». Aux côtés de l’édile, Moussa Ibn Yacoub est entouré de son frère Kamdem, de l’avocat Hosni Maati et la porte-parole du comité de soutien #FreeMoussa, Fatiha Khettab. Les médias ne se sont pas bousculés pour couvrir l’événement, une dizaine tout au plus, tous supports confondus, dont des blogs. “Son seul et unique crime était de vouloir apporter réconfort et soutien à une population » poursuit le maire, avant de revenir sur les sept longs mois pleins de rebondissements qu’a passés l’humanitaire au Bangladesh alors qu’il venait en aide à une minorité musulmane persécutée : les Rohingyas.
Parti sur place pour le compte de l’ONG Baraka City, Moussa Ibn Yacoub a été arrêté en décembre 2015 alors qu’il visitait des camps de réfugiés Rohingyas. Son nom et son prénom musulmans, adoptés depuis sa conversion à l’islam et différents de son identité de naissance, sont à l’origine de suspicions de la police. Le Bangladesh lui reproche aussi de ne pas avoir déclaré sa présence. Accusé d’ « activités suspectes », l’humanitaire français a été incarcéré pendant soixante-dix jours, puis placé sous liberté conditionnelle avec interdiction de quitter le territoire. C’est en juillet, après une large mobilisation sur les réseaux sociaux surtout, que les charges ont été abandonnées.
Pendant la conférence de presse, l’humanitaire revient sur son parcours et ce qui a motivé son engagement : “J’ai commencé ce combat en bas de chez moi en m’engageant pour aider les Roms et les sans-abri il y a 6 ans. J’ai toujours voulu faire plus. Avec Barakacity, j’ai eu l’occasion de connaître des combats plus grands, et des défis plus durs.” Témoin des persécutions subies par les Rohingyas, il décide alors de s’engager pour faire entendre leur voix. “Après trois ans, grâce à mon incarcération, j’ai réussi. C’est ça qui est extraordinaire. Aujourd’hui quand on parle de Moussa, on pense aux Rohingyas.” Pour Kandem, le frère de l’humanitaire, son cas « a fait l’unanimité« . « J’espère que Moussa sera un bel exemple pour la jeunesse, qu’il continuera d’aider son prochain et les plus démunis, et qu’on oublie pas qu’avant tout, il a été là-bas pour les Rohingyas. Je pense qu’il est aujourd’hui très content qu’on parle d’eux à travers lui.”
SOS Racisme hué par la foule

IMG_20160810_185311A l’extérieur, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées et attendent que l’humanitaire de 28 ans vienne décrocher son grand portrait. Dans la foule des “Moussa enfin libre! Moussa on t’aime” sont scandés. Les soutiens viennent de toute la région. Des personnalités sont présentes aussi comme le rappeur Mokobé, sympathisant de la cause depuis le début tout comme des élus des villes voisines. Quelques minutes plus tard, lorsque l’enfant de Montreuil sort de la mairie, les applaudissements et les sifflements explosent et la joie se lit sur chacun des visages. Puis, ce sont des huées qui retentissent. Dans le groupe qui entoure Moussa sur les marches de l’hôtel de ville, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, n’est pas désiré par une grande partie de la foule. Une dame s’écrie: “Vous étiez où avant ça ? Dégagez bande d’opportunistes ». La tension est de courte durée. Sur l’esplanade, c’est le discours de l’humanitaire qui résonne ensuite. A plusieurs reprises, Moussa Ibn Yacoub, visiblement très ému, doit interrompre sa prise de parole pour souffler, puis remercie tous ses soutiens, “extraordinaires” comme il les qualifie, avant que sa photo géante ne soit décrochée.
Je suis son combat depuis son association ‘‘Au coeur de la précarité’’, raconte Wafa, originaire du Val-d’Oise. Dès que j’ai vu qu’un événement était organisé, j’ai décidé de venir. C’est le moins que l’on puisse faire pour un grand homme comme lui. Il a appris beaucoup à chacun d’entre nous. Son épreuve est une leçon de vie, qui a touché notre coeur. Être ici, c’était une façon de faire un geste physique, en plus de la mobilisation sur les réseaux sociaux”, exprime la jeune femme admirative du parcours de l’humanitaire qu’elle considère comme un exemple. Raja, elle, confie avoir envie de « sourire » chaque fois qu’elle voit le visage de Moussa.
« Bani Street »

IMG_20160810_184814“Je vous avoue sincèrement, je ne l’accompagnais pas auparavant dans ses combats, mais maintenant je vais le faire’’. La maman de l’humanitaire, Justine,  confie qu’elle ignorait quasiment tout de l’engagement de son fils qu’elle couvre de câlins depuis son retour et dont le rôle est jugé moteur dans la campagne de mobilisation. « Désormais, avec toute la famille, on est derrière lui, surtout qu’il a un beau projet : Bani Street. » Après sa sortie en liberté conditionnelle accordée le 1er mars 2016, l’humanitaire s’est retrouvé au milieu d’enfants mendiants du matin au soir auxquels il s’est attaché. Un projet est né : le lancement par une association locale, « Pulse Bangladesh », déjà active sur le terrain et pour laquelle l’humanitaire collabore, d’un centre d’accueil alimentaire, médical et éducatif pour jeunes d’une cinquantaine de places. Un appel aux dons a déjà été lancé par l’association.
Malgré la foule, Moussa se dirige de l’autre côté de la route qui coupe le parvis de la mairie. Des membres de la communauté rom de Montreuil manifestent contre leur expulsion du 250 boulevard de la Boissière. Des personnes que l’humanitaire soutient depuis six ans. Il les salue. Au micro, une femme explique les conditions dans lesquelles 13 familles en cours d’intégration ont été expulsées. “Moussa, comme tu nous a aidés il y a six ans, aide-nous aujourd’hui », poursuit-elle. Comme toujours, Moussa Ibn Yacoub accepte. Les discours laissent place à la musique et aux danses. Les enfants, eux, s’amusent à dessiner sur le sol avec des craies jaunes, blanches et roses. Montreuil a retrouvé un des siens.
Inès El laboudy avec Sarah Ichou

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