Beur FM, le nom de cette radio porte comme une consonance maghrébine et renvoie d’ailleurs à l’image de radio communautaire. Il est vrai que la chaîne a été créée au départ, en 1981, à destination des Français issus de parents Maghrébins pour les soutenir dans leur solitude. Mais aujourd’hui, le ton change. Depuis un an et demi qu’il tient les rênes de Beur FM, Ahmed El Keiy, le rédacteur en chef, tente avec son équipe avisée de lui apporter un nouveau souffle en diffusant un contenu varié. Un tournant dans l’histoire de la chaîne que ce rédac’ chef a bien voulu expliquer pour le Bondy Blog. Et derrière sa voix douce et son sang froid, le journaliste originaire d’Egypte ne mâche pas ses mots :

 

Comment est née la chaîne ?

A sa création, en 1981, Radio beur était gérée par un collectif d’associations.  Peu à peu la station a intégré la bande FM et Radio beur a pris le nom de « Beur FM » en 1992. A part cela, le reste ne m’intéresse pas. En plus, je ne me rappelle pas de ses débuts, j’étais encore jeune à cette époque.

 

Avec votre arrivée en tant que rédacteur en chef, quelle est la ligne éditoriale de Beur FM ?

Aujourd’hui, notre credo reflète la diversité car la société française est multiculturelle. Nous impliquons un public qui dépasse celui originaire du Maghreb en débattant sur des thèmes très variés. D’après un récent sondage réalisé par Médiamétrie, 49,5 % des auditeurs sont Français de souche contre 50 % d’auditeurs étrangers Turks, Africains ou Maghrébins.

Nous diffusons une information ciblée sur des sujets qu’on ne retrouve qu’en dernières pages des grands journaux, voire ceux dont on ne parle pas. Alors que l’affaire Clearstream ravage l’actualité, je privilégie en Une, la nouvelle classe prépa du lycée Henri IV qui s’ouvre à des élèves issus de quartiers défavorisés. Aussi, nous avons insisté sur la question des banlieues, l’inégalité des chances mais également sur les parcours de réussite de certaines minorités, bien avant les émeutes de novembre. Nous avions également parlé des dangers qu’encoure la France si elle ne bouge pas.

 

Vous animez le Forum débat diffusé en direct de 19h à 20h du lundi au vendredi. Comment traitez-vous l’information dans cette émission ?

Là où les « médias traditionnels » s’intéressent au sensationnalisme, nous faisons un travail en profondeur en prenant le temps d’éclairer. Dans le Forum débat, je décortique l’information aux côtés de mes invités qui font l’actualité. Sur mon plateau, j’ai reçu aussi bien l’intellectuel Alain Finkielkraut que l’humoriste Dieudonné, mais aussi Jospin, Pasqua, le porte-parole du Syndicat des officiers de police et bien d’autres. Ils ont tous été confrontés aux questions et remarques des auditeurs. Pendant la période des émeutes de novembre, j’ai élargi le temps d’antenne à une heure trente, voire plus. Nous recevions beaucoup d’appels. Les forums ont aussi une vocation pédagogique.

 

On reproche souvent le ton familier des animateurs de Beur FM. Est-ce que les autres émissions adoptent la même approche que celle du Forum débat ?

Je dirais qu’il y a une volonté de proximité des animateurs avec les auditeurs car beaucoup de jeunes écoutent Beur FM. Nos magazines sont axés sur la France plurielle. Seule l’émission quotidienne du matin, Good Beurning, animée par Julia et Philippe présente l’actualité du Maghreb. Ceux qui reprochent le ton familier font peut-être partie eux-mêmes des 150 000 auditeurs en Ile-de-France et du million sur le territoire national.

 

Et les Petites annonces des auditeurs… Avez-vous prévu d’innover pour cette émission ?

La rédaction est en pleine réflexion concernant cette émission. A cause de son aspect répétitif, nous prévoyons de la supprimer. Au départ, elle avait pour vocation de rendre service et faciliter le contact entre les auditeurs. Avec le développement de ce genre de service sur Internet, l’émission devient obsolète.

 

Les week-ends et en soirée, vous diffusez davantage de musique Raï et Kabyle qu’on retrouve dans l’émission Bin El Barah Oua El Youm (entre hier et aujourd’hui). N’est-ce pas limité ?

Beur FM consacre 70 % de ses programmes à la musique. C’est une radio de la mixité. On y entend toutes les fusions du raï, mélangé avec le funk, r’n’b, le reggae, le rap, le hip hop et le raga indien. La chaîne s’ouvre de plus en plus à toutes les musiques du monde.

Bin El Barah Oua El Youm fait le lien entre les générations et montre comment a évolué la chanson orientale et maghrébine dans toute sa diversité (musique du désert, bédouine, citadine, sacrée, moderne, populaire).

 

La dénomination « Beur FM » peut paraître péjorative et un peu restrictive

Pour moi, ce raisonnement n’est pas valable. Radio Télévision Luxembourg (RTL) et Radio Monte Carlo (RMC) ne donnent pas ou plus l’image que leur nom véhicule. La chaîne Beur FM est appelée, à son tour, à perdre sa signification première. La dénomination « Beur FM » porte en elle l’histoire de la chaîne sans pour autant empêcher le contenu diffusé à l’antenne d’évoluer avec la société française.

 

Propos recueillis par Nadia Boudaoud

 

 

 

 

 

 

 

 

Nadia Boudaoud

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