Ils sont nombreux les immigrés venus en France dans les années 50-60 en quête d’un avenir meilleur à s’être dit « de toute façon je vais retourner au pays », à avoir vécu avec la valise à portée de main. Ces immigrés, hier jeunes et forts, sont aujourd’hui des « chibanis » (cheveux blancs). Et si pour beaucoup, poussés par la nécessité, ils n’ont pas eu le choix de quitter leur pays d’origine, ils n’ont désormais pas le choix non plus d’y retourner et de quitter la France comme ils le veulent.
En effet, dès lors qu’un chibani quitte la France plus de six mois et un jour, il perd ses droits sociaux. Droits pour lesquels il a pourtant cotisé durant toute sa vie active. Une situation assez ubuesque donc, concernant notamment les droits sociaux lorsque l’on sait qu’un retraité de nationalité française peut lui, passer, ses vieux jours au Maghreb sans craindre de perdre sa couverture sociale. Cela, depuis que, sous l’impulsion de Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription des Français établis hors de France, un nouveau service a été créé depuis janvier 2014 : le centre national des retraités Français de l’étranger afin de rendre effectif le droit pour les Français à une couverture sociale sans condition de résidence.
Cette situation d’inégalité, Salem Fkire, président de l’association Cap sud MRE entend la faire cesser. Il évoque une « spoliation de droits » et souhaite que les chibanis bénéficient des mêmes droits que les retraités français. « On ne demande pas plus de droits que les autres, on demande une égalité de droits ». C’est ainsi qu’il souhaite la modification de l’article L 311-7 du Code de la Sécurité sociale qui subordonne le bénéfice des prestations d’assurances sociales à la justification d’une résidence en France pour les travailleurs étrangers et leurs ayant-droits. « C’est une situation intolérable, il s’agit ici de travailleurs, de personnes qui ont cotisé, qui ont, pour beaucoup, occupé des emplois pénibles et qui sont obligés de faire des allers-retours pour bénéficier de leurs droits ». Cette situation s’explique aussi partiellement par le fait que les chibanis ne sont pas du genre à protester, et pour beaucoup ne connaissent pas totalement leurs droits.
Injustice sociale
Après la décristallisation des pensions des anciens combattants, la situation des locataires d’un hôtel meublé et insalubre Faubourg Saint-Antoine, ça n’est pas la première fois que des questions, des lourdeurs administratives, des situations injustes se soulèvent lorsque l’on évoque les chibanis. Sur cette problématique de la couverture sociale, Nicolas Sansu, député PC, a déjà adressé une question à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2014 sur le sujet, donnant pour exemple les 500 000 retraités marocains vivant en France et pratiquant la navette entre les deux pays.
De son côté Alexis Bachelay, député PS, a été nommé rapporteur d’une mission d’information sur les immigrés âgés en 2013. Suite à cette mission d’information, qui a donc plus de deux ans, aucune mesure inédite et concrète n’a été prise pour résoudre le problème de couverture sociale des chibanis. Le dernier « frémissement politique » date de la fin du mois de mai, à l’occasion de la XIIe rencontre franco-marocaine des chefs de gouvernement dont la déclaration finale indique que « la partie française étudiera la proposition marocaine de création d’un groupe de travail relatif à la portabilité des droits sociaux des retraités marocains souhaitant s’installer durablement au Maroc ». Et encore, cela ne concerne que les retraités marocains, mais cette problématique concerne évidemment tous les anciens travailleurs étrangers des Trente Glorieuses.
Conscient de ces difficultés, Jean Christophe Cambadélis a proposé à Salem Fkire lors du dernier Bondy Blog Café de porter leurs revendications devant Manuel Valls. Ce serait tout à l’honneur d’un gouvernement socialiste de mettre fin à une telle inégalité de droits et à une telle injustice sociale. En espérant que cette promesse n’ait pas le même avenir que celle concernant le droit de vote des étrangers.
Latifa Oulkhouir

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