City/Cité en partenariat avec le Bondy Blog organise pendant deux jours au centre culturel Centquatre dans le XIXème arrondissement de Paris un échange unique entre la France et les Etats-Unis sur le thème de la démocratie urbaine. Compte-rendu de la dernière table-ronde de cette deuxième journée consacrée aux médias porte-voix des quartiers.

« De plus en plus de personnes ne se retrouvent plus dans les médias mainstream et cherchent à s’informer autrement ». Ce sont les mots signés Nora Hamadi, journaliste et co-rédactrice en chef pour le magazine Fumigène, une publication qui souhaite redonner une voix aux quartiers populaires. Comme elle, les sept intervenants de la table ronde organisée samedi 10 décembre au Centquatre-Paris souhaitent promouvoir les médias indépendants. Leur objectif est simple : raconter l’actualité autrement et rendre la parole aux habitants des quartiers populaires, en France comme aux Etats-Unis. et faire parler les sans voix.

« Beaucoup de personnes oubliées des grands médias ressentent de la colère »

S’ils ont souhaité redonner la parole aux habitants des quartiers, c’est parce que tous, sans exception, constatent que ces personnes ne sont pas assez représentées dans les grands médias. « Dans les années 1970, chaque grande ville américaine avait un grand média alternatif qui donnait la parole à la société civile. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », déplore Thomas Sugrue de l’Université de New York.

Cette exclusion « suscite un puissant sentiment de colère » selon Bill McGraw, journaliste à Bridge Magazine, un site d’informations indépendant en ligne de Détroit, à but non lucratif. Samir Hadj Belgacem, docteur au Centre Maurice Halbwachs, l’a aussi remarqué à plusieurs reprises dans ses recherches. Selon lui, « il y a eu plusieurs moments de rebellions », que ce soit en France lors des émeutes de 2005 dans les quartiers populaires ou dans la ville de Détroit aux Etats-Unis. Le chercheur évoque un lien entre ces mobilisations dont le message était dévoyé, et une volonté populaire de reprendre la parole. Les médias indépendants apparaissaient alors comme un moyen de s’exprimer.

« Rendre la parole aux oubliés »

Fumigène, Bridge Magazine et le BondyBlog : ces trois organes de presse ont donc fait le choix de rendre la parole à ces oubliés. Nora Hamadi explique que l’objectif de Fumigène est de « mettre en avant des personnes que l’on n’entend pas ailleurs ». Un objectif qui est aussi celui de Nassira El Moaddem et du BondyBlog, dans lequel les reporters racontent « la réalité des quartiers populaires tels que les habitants la vivent et non pas tels qu’ils sont fantasmés ». Pour la journaliste et directrice du Bondy Blog, « il y a une absolue nécessité, celle de plus se voir imposer un agenda politique et médiatique, mais de mettre sur le devant de la scène médiatique des initiatives, des points de vue, des personnalités de ces quartiers ».

Les réseaux sociaux, de formidables moyens d’expression populaire

Ce travail de réappropriation de la parole publique par la société civile s’effectue aussi sur les réseaux sociaux, vanté par les intervenants. « Sur Facebook ou Twitter, chaque citoyen peut s’exprimer. Cela contribue aussi à développer des liens entre les individus », affirme le chercheur Samir Hadj Belgacem.

Ces alternatives ont l’avantage d’être simples et accessibles à tous et sont en cela très démocratiques. Pour Chastity Pratt Dawsey, journaliste à Bridge Magazine, « grâce aux réseaux sociaux, il existe de nouvelles offres médiatiques qui permettent que d’autres voix émergent ».

Ces alternatives ne sont pourtant pas suffisantes selon Thomas Sugrue. ‘Nous ne pouvons pas nous satisfaire du travail de quelques personnes qui essaient d’agir individuellement. Chacun doit essayer de prendre la parole afin d‘encourager la création de nouveaux moyens d’expression populaire ». 

Maéva LAHMI

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