« Venez Madame, nous aussi on voudrait vous parler ». Le jeune homme qui m’interpelle ainsi se surnomme Babibell. Il discute avec trois ou quatre hommes dans une petite pièce vitrée, à l’entrée de la maison de quartier Daniel Balavoine. « C’est le coin des pleurnicheries et des commérages. Le seul coin où les jeunes peuvent se réunir. Partout ailleurs, dans les cages d’escaliers par exemple, cela nuit », m’explique Mohamed, animateur de jeunesse, l’Algérien qui l’autre jour me confiait refuser la nationalité française.

Bizarrement, en cinq jours, je n’y ai jamais vu de femmes. « Quel âge avez-vous Babibell? » Il éclate de rire: « En France ou en Afrique? » Dans le coin des pleurnicheries, il y a Mahmoud, Fethi, Medhi, Mohamed. Ils parlent de tout ce qui se passe dans la cité, de ceux qui se cachent parce qu’ils sont recherchés, des SDF. « On sait que certaines personnes dorment dans les halls. Nous avons appris qu’un jeune vient d’être mis à la porte par son père parce qu’il ne trouve pas de formation emploi. « On l’aide », précise sobrement Mohamed, mais ce n’est pas nous l’ANPE ». Mohamed parle des jeunes footballeurs de l’Espace Noué Caillet. Babibell en fait partie. « Je récupère ceux dont l’ASB (Association sportive de Bondy), le club phare de la ville, ne veut pas! Moi je l’appelle le Ku Klux Klan de Bondy. Les mecs qui y jouent – très peu sont de Bondy – sont posés, ils vont au travail la journée, ils ne se mélangent pas dans les halls des maisons, ils ne vont pas avec ceux qui ne leur ressemblent pas. Le critère de sélection n’est pas la force mais le quartier ».

Babibell veut ajouter son grain de sel: « A Bondy, il faut être le « fils de » pour rentrer dans ce club ». Mais si Mohamed en a gros sur le cœur, malgré tout, il est fier des résultats de son club: 3 à 0, 3 à 2, 15 à 0 pour les derniers scores. « Ce n’est pas facile parce que là, nous n’avons plus de car pour faire nos déplacements. Nous avons dû le céder aux enfants de l’école des loisirs. Cela faisait quinze ans que nous bénéficions de cet avantage. Heureusement qu’il y a le maire. Chaque fois que j’ai été le voir pour parler des problèmes, il prend le temps de m’écouter ». Le débat s’oriente sur Tarik Ramadan. Fehti: « Je l’aime bien Tarik Ramadan, je le suis dans tout ce qu’il dit. J’aime son discours, sa façon de parler. Il est calme. Ce n’est pas un extrémiste. Il parle pour les jeunes, il défend la religion. Mais dans les médias, ils le cassent à chaque fois ». Mohamed ne partage pas son avis: « Il ne représente rien pour les musulmans, il ne parle que pour lui ». Un débat à suivre…

Sabine Pirolt

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