A l’instar du jeune Tchécoslovaque Jan Palach ayant usé du même mode mortifère en 1969 pour dénoncer l’invasion de son pays par les chars russes, l’immolation du jeune Mohamed Bouazizi voulant dénoncer un système tunisien indigne, va sans nul doute être gravée dans l’histoire de ce début du 21e siècle et par conséquent dans notre inconscient collectif.

A l’exception, pathétique, de quelques politiques et philosophes chagrins qui auront préféré jusqu’au bout, dans ces régions, le confort de dictatures amies à l’ombre des palmiers, à l’inconfort de démocraties chancelantes, cette étincelle de désespoir qui a embrasé l’ensemble du monde arabe emporté par un sirocco de liberté, réchauffe aujourd’hui nos cœurs de républicains.

L’Histoire en marche, à la vitesse d’un feu de brousse, nous éclaire inexorablement sur notre propre société car s’il est vrai que selon un proverbe bédouin « le chameau regarde toujours la bosse de son frère » (c’est tellement plus confortable), nous ne pouvons éviter l’effet miroir que nous renvoie les révoltes des ces peuples.

Face à ces reflets, nous sommes en droit de nous demander pourquoi les mêmes causes supportées depuis des années dans nos quartiers populaires ne provoqueraient pas les mêmes effets ? Parmi ces reflets, il est aisé d’extraire quelques bûches incandescentes :

– L’irradiation du chômage qui frappe jusqu’à plus de 40% de la population (radio?)active. Dont, parmi elle, encore de trop nombreux diplômés toujours victimes de multiples discriminations.

– La pauvreté qui en découle et qui transpire de plus en plus, au point de rendre l’air irrespirable, pour l’ensemble des habitants et acteurs sociaux de ces poches de misère. Ces poches n’étant que le corollaire d’une politique inavouée de ségrégation sociale.

– Un système scolaire qui aggrave la ghettoïsation et ne permet quasiment plus l’engagement du droit à la promotion sociale. Ce qui contraint ceux qui le peuvent à abandonner « lâchement » l’école du quartier pour permettre à leurs enfants de vivre une scolarité sérieuse dans une véritable école de la république.

– Des demandes de logements qui sont enregistrées sur des listes interminables uniquement pour révéler l’absurdité d’un système où se loger décemment n’est pas un droit mais un rêve porté par la colère.

– L’humiliation des citoyens par des responsables politiques qui vous concertent publiquement non pas par culture démocratique, mais uniquement par souci de légitimer des décisions déjà prises en cabinet.

– La corruption de quelques élus qui pour financer la prochaine élection (cantonale), invite certaines PME à financer leur journal de campagne et leur agenda contre la promesse de marchés publics et sous réserve de reversement de 3% des futurs marchés obtenus grâce à leur bienveillance.

– Un pouvoir autiste et cynique qui se moque des maux d’une population, qui ne pèse pas bien lourd dans le débat démocratique au regard des taux d’abstentions de ces territoires.

– L’absence de tout espoir, pour le plus grand nombre, de pouvoir changer la donne, ou simplement sa vie, se transforme insidieusement en un ravageur sentiment d’exclusion sociale pour ne pas dire d’inutilité sociale.

Il suffit ! L’ensemble de ces maux, sources de révolutions dans les pays arabes sont aussi le quotidien de plus en plus insupportable en France. Comment y remédier ? Doit-on s’immoler ? Se résigner ? S’indigner ? Se révolter ? S’engager ?

En attendant la prochaine révolte, chacun doit apporter ses réponses personnelles et collectives à ce brasier qui consume notre pays.

Yacine Djaziri

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