Crise sanitaire oblige, les universités ont fermé leur porte le 16 avril. Contrairement aux lycées, pas de suppression d’examen finaux ni de directives générales. Examens télésurveillés, QCM, devoirs maisons ou note minimale : à chaque faculté revient la charge de l’organisation des partiels.

Mais très vite, des pétitions ont circulé pour réclamer la neutralisation des examens et une validation automatique du semestre. En cause, les conditions de vie difficile de nombreux étudiants qui n’assurent pas l’égalité des chances. 3 793 signataires ont ainsi clamé, derrière le syndicat étudiant UNEF : « Covid 19 : Non à l’échec de masse, 10 améliorable pour tou(te)s ! ».

Une revendication finalement balayée, le 22 avril dernier, par le gouvernement. Dans les colonnes de 20 Minutes, Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, menaçait même d’éventuelles universités récalcitrantes : « Il ne sera pas possible de neutraliser le second semestre, ni de mettre systématiquement des notes supérieures à 10/20. Et si daventure, certains étaient tentés de le faire, le ministère jouerait son rôle de régulateur et ne validerait pas les épreuves évaluées de cette manière. Il est demandé aux établissements, même dans les conditions actuelles, de garantir la qualité des diplômes. »

Depuis, la cacophonie règne dans la majorité des universités. Les professeurs et administrations favorables à la tenue d’examens à distance s’insurgent contre les étudiants mobilisés et brandissent la carte de la méritocratie. « Les vrais diplômes ne sobtiennent ni dans les AG ni sur Twitter », écrivait dans un mail adressé à ses étudiants le professeur de droit Thomas Clay.

Noter ou ne pas noter ? Et si oui, comment ?

Mais comment s’assurer de la valeur d’un diplôme en pleine pandémie mondiale ? « Quelle ironie de voir que celles et ceux qui hier réduisaient les budgets de lESR (…) se faire aujourdhui les fervent.e.s défenseur.se.s de nos diplômes ! », estime le collectif Facs et Labos en Lutte dans une autre pétition.

En général, l’organisation est au libre choix des professeurs. « Certains ont mis un place une note plafond de 14,93 en référence au 49-3, d’autres des devoirs facultatifs », raconte Audrey, étudiante en lettres à la Sorbonne-Nouvelle, qui s’estime « chanceuse » de n’avoir eu à passer qu’un seul partiel en temps limité. Confiné seule dans son studio parisien, la sudiste d’origine a dû faire face à ses crises d’épilepsie dont le stress et le manque de sommeil sont des éléments déclencheurs. Deux facteurs à la présence accrue depuis le confinement.

« Nous avons encore le sentiment que les notes sont plus important que lapprentissage », estime Alban. Même s’il reste partagé sur l’idée de neutraliser tous les examens, cet étudiant en licence de biologie à l’université de Picardie, est d’avis qu’une autre organisation aurait été plus juste. « Nous ny sommes pour rien si nous vivons cette situation et nous avons un petit peu limpression quon ne nous fait pas confiance, regrette-t-il. Des devoirs de recherche nous auraient aidé à comprendre les choses. Au final nous allons comme dhabitude apprendre des tonnes de choses pour en recracher le contenu et tout oublier après. »

Sur les réseaux sociaux, entre les memes moquant l’organisation des partiels et les posts assassins, on lit l’anxiété des étudiants. Ils parlent de leurs difficultés à étudier dans de telles conditions, de leur précarité qui augmente. Et ce ne sont pas les files de centaines d’étudiants faisant la queue à Saint-Denis pour récupérer des colis alimentaires qui diront le contraire.

Étudiant en Master de Science politique, Samuel avoue qu’il n’a pas vraiment la tête aux examens : « Entre l’actualité déprimante et les perspectives d’avenir, c’est compliqué de se concentrer pour les révisions, juge-t-il. Je pense surtout à cet été, à trouver un job, et à me préparer à ne rien avoir parce que personne n’embauchera. Du coup les partiels et le mémoire, c’est assez lointain pour moi. »

David contre un Goliath sourd et muet

Un peu partout, un bras de fer s’engage alors entre les étudiants et l’administration. Et pour certains, c’est un bras de fer contre un Goliath sourd et muet. C’est le cas à l’université de Rennes, dont Yael* déplore la communication : « Dans ces conditions, cest impossible de réviser correctement. Comment réviser quand on ne sait même pas quelles matières on aura aux partiels ni quels types dexamen ? ». Étudiante en Master de droit, elle a fait part à l’administration de ses soucis informatiques mais assure n’avoir reçu aucune réponse à ce jour.

À la faculté de droit et de science politique de Montpellier, pas de cours à distance depuis le confinement. Les examens porteront sur les cours dispensés en présentiel.  « Il n’y a eu aucun conseil d’administration  en assemblée plénière depuis le début du confinement, raconte Samuel, représentant des élèves. Ils ont tous eu lieu en formation restreinte, excluant donc de fait les élus étudiants et personnalités extérieures. » Le jeune homme, délégué des M1, poursuit : « Par contre, le Doyen et les vices-doyennes nous ont convoqué à deux reprises – de façon officieuse – pour discuter des modalités d’examen avec les élus étudiants. Nous n’avons eu qu’un rôle purement consultatif (…) On était au courant des décisions dès qu’elles étaient prises. »

Laura*, étudiante en double licence Économie et Droit, témoigne du chaos à Paris 1. Le 16 avril une réunion de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU) est organisée. Là, la motion de la présidence a été refusée au détriment de celle des étudiants, qui demandaient une note minimale de 10 pour tous. « La présidence était super énervée pendant le live », rapporte Laura, qui cite l’exemple d’Alice Le Flanchec, vice-présidente de l’établissement, qui a raccroché soudainement et quitté les échanges.

Vers des examens surveillés à distance ?

Les étudiants reçoivent alors un mail du professeur Thomas Clay qui estime que le vote est « un baroud d’honneur destiné à prouver (…) la toxicité de cette instance qui ne représente qu’elle-même et qui disparaîtra bientôt ». Alors que la loi dispose que la CFVU doit statuer sur le cas des modalités d’examens, le professeur conseille aux étudiants de ne pas se laisser « intoxiquer par cette motion illégale ». De même pour le directeur de l’école de Droit de la Sorbonne, François Guy Trébulle, qui dans un mail aux enseignants, s’engage à « ne pas mettre en oeuvre » ce texte qu’il juge « délétère ».

S’ensuivent alors d’autres mails de l’administration qui appuie l’illégalité de la motion, ainsi qu’une lettre ouverte de professeur. Or, « il n’y a que le tribunal administratif qui peut juger de l’illégalité d’une motion », rappelle Laura. « C’était pour nous intimider, estime l’étudiante, parce que quand tu vois le nom de ton enseignant sur cette liste, qui est pour le maintien des partiels, et que toi tu défends le contraire, forcément ça met la pression. » 

Alors que les étudiants de Paris 1 ne savent toujours pas si les examens sont maintenus, d’autres universités sont tentés par la télésurveillance. Autant de mesures extrêmes imaginés pour s’assurer que seuls les plus méritants, les plus valeureux, puissent prétendre à la validation d’un semestre. Comme si, en temps normal, la méritocratie était pleinement appliquée dans l’enseignement supérieur.

Maria AIT OUARIANE

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