On commence à craquer, on est des oubliés”, s’exaspèrent  à l’unisson les salarié·e·s de l’Intermarché de Bondy en Seine-Saint-Denis, qui se battent pour la réouverture du magasin. Les rideaux métalliques de l’Intermarché du centre-ville sont baissés depuis le 24 février, date de la fermeture sur décision du préfet de la Seine-Saint-Denis pour “raisons de sécurité”.

Après plus de deux mois de fermeture, de nombreux salariés de l’hyper étaient présents lors d’une journée de manifestation, le 26 avril dernier, aux côtés des agents de la mairie, animateurs, membres de la CGT réunis pour protester contre le retard du paiement de leurs salaires et des problèmes de fiches de paie.

Nicole et Fatima ont pris la parole pour exiger la réouverture du supermarché. “Crise sanitaire + chômage = dépression ! On demande la réouverture du magasin. On y va tous ensemble ! ” clame Nicole, employée de l’Intermarché, devant la mairie de Bondy.

Une cliente de l’Intermarché présente lors du rassemblement, est aussi venue apporter son soutien aux salariés du magasin, où elle avait l’habitude d’y faire ses courses. “Les employés ont besoin de travailler, ils ont des familles, certains sont malades. Il faut que ça soit ouvert au plus tard le 15 mai”, lâche la bondynoise.

Des risques d’incendies et des travaux qui tardent

D’après la Préfecture de Seine-Saint-Denis, le magasin situé sur la place de la gare de Bondy ne respectait pas les conditions de sécurité contre les risques d’incendie. Ces défauts, relevés précédemment par une commission de sécurité en février 2017 et en mars 2020, ont conduit la préfecture à ordonner la fermeture du magasin en janvier dernier. “Une amende de 500 euros a été fixée pour chaque jour de retard”, indique Sami, le directeur de l’Intermarché. “Ensuite le 23 février on a reçu une autre lettre de la préfecture indiquant une amende de 10 000 euros par jour. C’était trop, on a été obligé de fermer” ajoute le responsable contraint à la fermeture.

Selon l’équipe du magasin, des travaux ont été faits au sein de l’établissement suite à l’arrêt de l’activité de l’hyper-marché : “Le 5 mars les travaux étaient faits et le 18 mars la préfecture avait reçu le dossier qui rendait compte des travaux”, explique Sami. Pourtant la commission de sécurité rend un avis défavorable après la visite du magasin en mars dernier.

Une complication qui vient des compteurs EDF situés au sous-sol de l’Intermarché depuis l’agrandissement du magasin qui s’est fait dans le parking Indigo de la gare de Bondy. L’accès aux compteurs est compliqué pour les pompiers en cas d’incendie.

Le préfet me l’a bien expliqué l’instruction de ce type de dossier en temps normal ça prend des mois.

Les travaux tardent à se faire car dans ce local électrique les compteurs n’appartiennent pas seulement à l’Intermarché, comme l’indique le maire de Bondy, Stephan Hervé. “Dans ce local il y a les compteurs des autres commerçants de la place de la gare et ceux de la ville (notamment ceux de la police municipale, la mairie, et du parking indigo, NDLR)”.

« La mairie il faut que ça bouge », peut on lire sur les vitres du magasin fermé depuis le 24 février dernier.

Afin de résoudre le problème plus rapidement, la ville a de son côté proposé d’installer des boutons poussoirs coups de poing qui seront déportés dans le local du centre de surveillance urbain de Bondy. “Ces travaux normalement ne sont pas bloquants, ils ne devaient pas bloquer la levée d’interdiction de l’ouverture du magasin” précise le maire de Bondy.

Le dossier notifiant les autorisations de ces travaux ont été transmis par la préfecture en avril. L’édile de la ville assure qu’il fait tout son possible pour accélérer les procédures, mais l’inspection de ces dossiers prend du temps. “C’est en préfecture que l’arrêté doit être levé. Il faut que l’instruction se fasse au plus vite, je n’ai pas la main sur les délais administratifs”, affirme Stéphane Hervé. “Le préfet me l’a bien expliqué, l’instruction de ce type de dossier en temps normal ça prend des mois. Je l’ai sollicité pour qu’il aille au plus vite dans l’inspection des dossiers », ajoute-t-il. Côté préfecture, une nouvelle assemblée plénière s’est tenue à la mi-avril, dont les salarié·e·s attendent les conclusions.

Des salarié·e·s dans une situation alarmante

On est au chômage partiel depuis le début du mois de mars”, indiquent les employés du magasin. Une situation qui devient de plus en plus critique pour les salariés, sur le plan économique et moral. “Il n’y a plus de sous dans les caisses, on doit rouvrir ! Parmi les salariés, ce sont 30 familles qui n’ont plus d’emploi”, explique le directeur de l’Intermarché.“ lâche Sami. “Tout ce qu’on demande c’est nous redonner notre travail et rendre le magasin accessible avec sa réouverture”, poursuit-il.

À la maison on ne sait plus gérer… Parfois je crie sans raison sur mes enfants.

Bloqués depuis plusieurs mois, la situation des employé·e·s de l’Intermarché pèse énormément sur leur moral et leur vie quotidienne. “À la maison on ne sait plus gérer… Parfois je crie sans raison sur mes enfants”, confie une salariée du magasin, bouleversée par sa situation et celle de ses collègues. “C’est compliqué mentalement. À partir du mois prochain, ça va être aussi compliqué financièrement. On va se retrouver avec une perte de salaire” souffle un autre membre du magasin.

« S.O.S aidez-nous ». Un message de détresse écrit par les employés de l’hypermarché.

Dans cette équipe où la moyenne d’ancienneté s’élève à 15 ans, règne une réelle solidarité entre les salarié·e·s, pour qui la fermeture du magasin n’ a pas empêché de rester en contact. “On est une vraie famille. On passe plus de temps au magasin qu’avec nos familles. On est des personnes très actives et se retrouver dans l’inactivité c’est très difficile. Les premières semaines, on venait au magasin, on essayait de s’occuper comme on pouvait”, explique le directeur du magasin.

On est là pour incriminer personne, c’est un cri à l’aide, un cri du cœur. On demande seulement à la mairie et à la préfecture d’accélérer les procédures.

Sur les pancartes installées sur la devanture du magasin, les employés expriment la détresse de leur situation. “Unis debout déterminés”, “Nous ne lâcherons rien pour nos emplois” peut-on lire sur les pancartes. Les salarié·e·s de l’Intermarché réclament juste une chose: la réouverture de l’Intermarché. “On est là pour incriminer personne, c’est un cri à l’aide, un cri du cœur. On demande seulement à la mairie et à la préfecture d’accélérer les procédures”, déclarent les salarié·es de l’Intermarché, impatients de retrouver leur travail et les client·e·s qui les soutiennent.

Les Bondynois·e·s solidaires avec les employé·e·s de l’Intermarché

Les salarié·e·s de l’Intermarché peuvent compter sur le soutien indéfectible des Bondynois et Bondynoises. Ces derniers n’hésitent pas à appeler au magasin afin de se renseigner sur la date d’ouverture du magasin et de délivrer des messages de soutien pour les épauler dans cette situation difficile. “Ça nous réchauffe le cœur d’avoir le soutien des Bondynois·e·s. Ça nous conforte dans l’idée que l’on est un vrai magasin de proximité.” affirme Nicole, salariée de l’Intermarché et représentante des employé·e·s.

On prend les commandes par téléphone des personnes qui se déplacent difficilement. On les livre gratuitement, on essaye de ne laisser personne sur le carreau.

L’Intermarché de Bondy est un réel magasin de proximité devenu encore plus essentiel pour les habitant·e·s de Bondy, notamment les plus agé·e·s, avec la pandémie. “On a l’âme d’une épicerie de 30m carré, c’est très convivial” déclare le directeur du magasin de plus de 1600 mètres carrés. “On prend les commandes par téléphone des personnes qui se déplacent difficilement. On les livre gratuitement, on essaye de ne laisser personne sur le carreau”, explique Nicole, qui attend comme ses collègues des nouvelles de la Préfecture de Seine-Saint-Denis. Une pétition a été lancée par les employés de l’Intermarché afin de les soutenir pour la réouverture du magasin.

Emeline Odi

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