Le licenciement des jeunes animateurs de la mairie de Gennevilliers aura suscité un buzz médiatique tout au long de la semaine dernière. Plusieurs associations (CMF, CCIF, les indivisibles, les Indignés de la République, Banlieue Plus, Havre de Savoir…), citoyens et personnalités (tel que le rappeur Médine) ont alors décidé de protester suite à cette affaire, en lançant un appel : organiser un repas de rupture du jeûne devant la mairie. L’idée étant de partager un « moment de convivialité et de solidarité » entre citoyens, musulmans ou non, tout en exprimant un ras-le-bol et le refus de discrimination à l’encontre des personnes de confessions musulmanes.

Il est un peu plus de 20 heures, une foule afflue sur la place de l’hôtel de ville. Des tables sont mises à disposition, les plats confectionnés par chacun viennent les remplir tour à tour.  Les gens discutent entre eux, évoquent l’affaire du licenciement « c’est parti trop loin, c’est inadmissible », s’inquiète Hakim Bennuda, secrétaire générale de Banlieue Plus. « On est venu en tant que citoyenne, musulmane, Française… toutes les facettes de notre identité » expliquent Sonia  et Sumeja (responsable communication du CCIF). « C’est un moyen de montrer qu’on est solidaire, une source de mobilisation, on connaît nos droits aussi. C’est un moment sympathique, on partage un repas, de convivialité et de tolérance et il y aussi des non musulmans qui y participent » explique Sumeja. « On n’est pas moins productif quant on fait le Ramadan, le monde ne s’arrête pas pendant cette période. Que le gouvernement soit de gauche, de droite, jaune, tous s’accordent à taper sur les musulmans. Quand on tape sur les musulmans on a tout à gagner » expliquent-elles.

Badia Benjelloun , médecin allergologue, biologiste et chercheur en immunologie juge cette polémique « discriminatoire ».« Le jeûne se pratique dans un contexte spirituel, il inspire un sentiment euphorisant. S’il fallait inclure des restrictions quant à la disponibilité des personnes qui gardent nos enfants ce serait le taux d’alcoolémie et le cannabis dans les urines, ce qui est beaucoup plus dangereux que de s’abstenir de manger ou de boire ».

D’autres citoyens présent ce samedi, se disent « consternés», « choqués » expriment leur ras-le-bol.

Une demie-heure avant la rupture du jeûne, la foule se rassemble. Nabil Ennasri, chercheur et spécialiste du Qatar (et aussi président du CMF – Collectif des musulmans de France)  prend la parole en premier pour remercier les convives, rappeler le pourquoi de ce rassemblement : « exprimer une solidarité envers les animateurs injustement suspendus de leur fonction » et de rappeler que « ce n’est ni un rassemblement communautaire ou sectaire. Si vous voulez prier ensuite, il y a une mosquée qui est à dix minutes ». Se sont succédés  au micro : les Indivisibles, les Indigènes de la République, Banlieue Plus et le CCIF.

Nabil Ennasri se félicite de la mobilisation surtout pour « un samedi soir, en plein mois d’août » mais ne cache pas son coup de cœur pour l’association Havre de Savoir qui a fait le déplacement du Havre jusqu’à Gennevilliers ce samedi pour y assister. C’est l’heure du coucher du soleil. L’heure de rompre le jeûne a sonné, les convives commencent leur repas.

Médine, quant à lui, est beaucoup plus pessimiste, « je m’attendais à beaucoup plus de personnes. Le problème c’est le manque de mobilisation générale et de dialogue dans la communauté musulmane, c’est cet individualisme grandissant. Je suis venu du Havre, consacrer deux, trois heures de son temps c’est pas la mer à boire ». Pourtant l’affaire de Gennevilliers a suscité de vives réactions tout au long de la semaine, « oui les gens se sont mobilisés derrière leur clavier » nous répond-il.

Samir, un des animateurs licenciés a répondu présent à cet Iftar. Le sourire aux lèvres, il ne cache pas son enthousiasme, « plusieurs avocats, de Paris, des Champ- Elysées, nous ont contactés  pour porter bénévolement notre affaire. On a toujours pas eu d’excuse de la mairie » raconte le jeune animateur qui, pour le moment, attend la suite des évènements.

Imane Youssfi

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