Nawel et Hajer sont deux jeunes femmes de 23 et 26 ans. La première est titulaire d’un bac pro comptabilité depuis 2007, la seconde est en master 2 de langues étrangères appliquées en commerce international (arabe, italien anglais), à la fac de Paris 8. Toutes deux sont à la recherche d’un emploi. Toutes deux ont un handicap. Nawel est infirme moteur cérébral, Hajer est non voyante.

« Dans ce forum, il y a beaucoup de recruteurs et c’est l’occasion de décrocher un entretien, veut croire Nawel. J’ai déjà envoyé des candidatures spontanées restées sans réponse malgré les relances. En général, je ne précise pas mon handicap. Il faut tenter sa chance. »

Leur chance, elles sont venues la chercher mardi, à la mairie du XVe arrondissement de Paris, où se déroulait un forum pour l’emploi réservé aux personnes handicapées. C’est l’AFIJ (Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés) qui organise cette journée emploi/stage handicap pour ces étudiants et jeunes diplômés en situation de handicap, issus de l’enseignement supérieur. Le but étant de les mettre en contact avec des entreprises telles qu’Adia, Alcatel, Areva, Aubay, Crit Intérim, Danone France ou Décathlon.

Nawel (ci-contre) « espère beaucoup de ce forum ». Elle a décroché trois entretiens seulement pour cinquante CV envoyés avec l’aide de l’AFIJ, mais elle est convaincue que les réponses négatives à ses demandes d’embauche ne sont pas dues à son infirmité. Cette jeune femme souriante veut faire un BTS en alternance, elle a déjà trouvé l’école et elle est ici pour trouver un patron. Je ressens chez Nawel comme chez les autres personnes handicapées auxquelles j’ai parlé durant ce forum une pudeur et une force. Aucune ne se plaint, aucune ne veut penser qu’elle puisse être discriminée en raison de son handicap.

Dans un rapport publié en 2004 par la société de travail temporaire Adia – et l’aspect « et vas-y que je te mélange toutes les formes de diversité » est assez cocasse –, les handicapés et les Maghrébins, suivis des quinquagénaires, seraient les premières victimes des discriminations à l’embauche. L’enquête a démontré qu’à niveau égal de diplôme et de qualification, le candidat handicapé ne recevrait que 2% de réponses positives, soit quinze fois moins qu’un candidat dit valide et français de souche, non domicilié en banlieue. L’homme maghrébin quant à lui, ne recevrait que 5% de propositions d’entretien.

Esther (ci-contre), 24 ans, est diplômée d’un BTS « force de vente négociation commerciale ». Elle est mère d’un enfant. Elle est atteinte d’une perte de la vision centrale, à cause du médicament « la quinine ». « J’ai déjà travaillé deux ans et je me suis arrêtée le temps de ma grossesse. Je souhaite reprendre la vie active. Jusqu’à présent, j’ai obtenu de bons résultats et je suis optimiste. » Laurent (photo du haut), 22 ans, BTS « informatique et gestion », en fauteuil roulant, est en recherche d’emploi depuis septembre 2008. Il participe à ce genre de forums pour prendre des contacts. Il a passé des entretiens mais il n’a pas encore d’embauche en vue. « Généralement, je m’adresse à des grands groupes, ce qui fait que lorsque je reçois des réponses négatives, je ne pense pas que ce soit du à mon handicap. »

Hakim, 23 ans, titulaire d’un bac pro carrosserie automobile, tait souvent aux employeurs son infirmité au genou, pour qu’ils l’embauchent. « Je ne trouve pas de travail dans mon domaine, alors je suis prêt à me réorienter et à changer d’horizon professionnel. S’il y a une perspective d’avenir, j’y vais, et de toutes façons, il y a toujours une expérience à prendre, on appelle ça du mac gyverisme. Actuellement, je fais de petites missions intérimaires dans le bâtiment, bien que ça me soit contre-indiqué, mais si je ne le fais pas, je retombe dans la précarité. »

Hakim habite dans une cité de Stains et préfère garder secret son handicap vis-à-vis de ses voisins : « Dans mon quartier, personne ne sait que j’ai ce handicap, dans une cité, il y a toujours ce rapport de force. Si on sait que vous avez un point faible, les gens vont vite vous tester. C’est un peu la porte ouverte au manque de respect. Les petits vont essayer de se faire les dents sur vous. Je devrais marcher avec des béquilles, mais je ne le fais pas pour ne pas avoir l’air faible. »

Dans ce genre de forums, la coutume veut que les candidats, après avoir passé des entretiens à différents stands, reçoivent une réponse, si possible engageante.

Nadia Méhouri

Nadia Méhouri

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022