Pourquoi avez-vous décidé de la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois plutôt qu’une autre ?

Pour  répondre à cette question il est important que je vous rappelle le contexte général.Nous avons à faire face depuis 2007 à une chute importante des marchés de l’automobile. Et, nous sommes confrontés depuis mi-2011 à une baisse forte et continue des marchés européens, et principalement ceux d’Europe du Sud. Nous avons eu une perte de 4 millions de véhicules entre 2007 et 2011. Nous avons été confrontés à un problème de surcapacité dans le domaine du segment B et à une guerre des prix en Europe. Nous avons alors examiné toute une série de scénario, neuf au total, où nous avons regardé l’impact en terme industriel et social. Nous avons échangé avec les partenaires sociaux. La fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois est alors apparue comme la moins mauvaise solution. Cette décision a été difficile à prendre pour nous et surtout pour les salariés. Nous sommes conscients de l’impact que cela peut avoir.  Nous avons mis du temps à prendre cette décision.

Vous avez pourtant longtemps évoqué cette option comme n’étant pas d’actualité…

Oui, on espérait un rebond du marché. On l’espérait aussi pour mars-avril 2012, alors nous avons regardé d’autres solutions. Nous avons été amenés à prendre ce choix (fermeture de l’usine d’Aulnay), lourd de conséquences.

L’usine d’Aulnay se trouve en  Seine-Saint-Denis, un département où le taux de chômage est très élevé, bien plus que la moyenne nationale. Vous y avez pensé lors de vos réflexions ?

Je répondrai en deux points à votre réponse. Tout d’abord nous ne délocalisons pas, on resserre la production industrielle, notamment sur Poissy. C’est vrai qu’en Seine-Saint-Denis, le taux de chômage est très important mais en parallèle il y a un taux de création d’entreprises assez important aussi. Les employés du site d’Aulnay sont qualifiés, ce site présente de nombreux atouts de par sa position géographique et de par sa taille.

La CGT propose un plan B contre le plan social de M. Varin. L’avez-vous lu et qu’en pensez-vous ?

Oui je l’ai lu, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec les syndicats. Ce plan repose sur deux hypothèses dont celle du départ à la retraite anticipé à 55 ans, ce qui n’est pas dans l’axe de la politique gouvernementale. L’âge de départ à la retraite est de plus en plus tardif avec une volonté de maintien des seniors dans l’emploi. Cela présente une charge financière conséquente. Il faut trouver des solutions, ces personnes de 55 ans, ce sont aussi des compétences dont on a besoin. Cela risque de créer des problèmes d’emplois ailleurs : à Poissy, Sochaux…

Il a été évoqué dans la presse une suppression de 1 500 postes supplémentaires, en plus des 8 000 annoncés en juillet dernier. Vous confirmez ?

Non, il n’y a pas de nouvelles suppressions. Le plan de suppression est toujours de 8 000 postes. On a été interrogé sur l’effectif total du groupe. Nous avons fait une projection en incluant les départs naturels (retraites, décès…) C’est une approche statistique. Il n’y a pas d’augmentation du plan.

Justement, en parlant avec les employés d’Aulnay, quand on leur demande ce qu’ils aimeraient dire à leur direction ils répondent deux choses. Tout d’abord leur inquiétude envers leur emploi, leur avenir, et ensuite, ils se demandent quand est-ce qu’ils seront respectés. Que répondez-vous à ça ?

Concernant la préoccupation pour leur emploi, bien évidement je la partage. 1 500 salariés iront à Poissy, , et 1 500 pour la ré-industrialisation du site d’Aulnay. Il faut être prudent mais raisonnablement confiant. On a des pistes, on arrivera à régler cette situation, nous échangeons avec les élus. On ne peut communiquer envers les gens que si on est sûr que les affaires se font. Cela prend du temps, nous travaillons dans la durée. Pour le respect, il y a une double attente : celle d’une immense majorité des salariés d’Aulnay et des procédures légales relativement longues. C’est très long pour des gens qui se demandent de quoi est fait leur avenir. Nous sommes bien conscients que ce sera plus clair quand nous recevrons chacun pour discuter de leur avenir. La manière de PSA de respecter les salariés, c’est de leur proposer des solutions de reclassement adaptées à chacun d’entre-eux.  Je comprends l’amertume, les craintes pour leur avenir professionnel. On a passé la phase des rapports d’experts (Sartorius et Secafi), qui ont confirmé la situation grave du groupe et l’arrêt de la production sur le site d’Aulnay. Pour moi, respecter les salariés c’est leur proposer une insertion au sens large. Ce n’est pas de leur raconter des histoires. Le reclassement c’est toujours un traumatisme, c’est passer une étape.

Lors d’une manifestation la semaine dernière, il y a eu des dégradations ici à Poissy. Quelle est votre réaction ?

Le Groupe a une réaction de désapprobation. Des violences ont été commises alors que nous allions entamer avec les organisations syndicales une séance de négociation  sur les dispositifs du plan social. Je pense qu’une immense majorité les désapprouve. Les salariés ne comprennent pas cette manière de faire. Certaines personnes ici sont encore très choquées. Ce climat de violence est à l’opposé de ce que l’on veut faire.

Concernant l’avenir d’Aulnay, on entend dire que plusieurs entreprises seraient intéressées par ce site. Où en êtes-vous ?

Il y a une temporalité en deux phases. Créer un maximum d’emplois compatible avec le site d’Aulnay d’ici 2013, 2014, 2015. On ne veut pas attendre cinq ans. Il y a une réflexion à partager avec les pouvoirs publics. Ce qu’on a toujours dit c’est d’entrer dans une vision industrielle…

Mais qu’est-ce qui est concret aujourd’hui ?

Aujourd’hui nous avons un portefeuille de plus de 1 200 emplois : en logistique industrielle, ce sera de la préparation de commande, du flux tendu, ce qui représentera 600 emplois à Aulnay, l’entreprise Galloo pour la dépollution de véhicule, l’activité industrielle dans le domaine du transport (service du transport à l’industrie). Un des points fort d’Aulnay est la maintenance industrielle, les ouvriers sont qualifiés dans ce domaine, ça peut constituer une activité. Pour ce qui n’est pas encore concret, nous avons plusieurs pistes dans le nettoyage industriel, de traitement de tenue de travail et une unité de déconstruction de voitures-voyageurs SNCF.

Le maire d’Aulnay-sous-Bois, Gérard Segura, vous accuse de vouloir spéculer sur la valeur du terrain, qu’en pensez-vous ?

On ne veut pas faire de promotion immobilière sur le terrain. On ne cèdera le terrain qu’à une entreprise qui aura un projet viable et qui embauchera d’abord les salariés d’Aulnay pour maintenir la vocation industrielle du site

Qu’aimeriez-vous dire aujourd’hui aux salariés de PSA d’Aulnay  et plus largement à tous ceux concernés par ces plans de suppressions de poste comme à Rennes ?

Le groupe est dans une situation difficile. La restructuration de l’entreprise est douloureuse mais inéluctable. Ce que je leur dirai c’est que l’engagement que nous pourrons prendre, c’est d’accompagner avec un dialogue social et le plus efficace possible et de pouvoir le mener dans les plus brefs délais possibles.

Propos recueillis par Imane Youssfi

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