Comme de nombreux étudiants, je dois travailler pendant mes congés scolaires. Parmi les travaux que j’effectue, sachez que depuis près de cinq ans je suis éboueur. Malgré ma fonction de correspondant pour le journal local, qui ne me paye pas des masses, mais ce n’est pas le propos du papier. Pas besoin d’être un génie, deux bras, deux jambes, être assez vif pour accrocher des bacs derrière un camion benne et le tour est joué. La tenue vous est fournie par la boîte.

En tout cas, c’est fou tout ce que l’on peut trouver dans les bacs ! Peu importe l’endroit, que ce soit en zone pavillonnaire ou en cités HLM, on jette tout et n’importe quoi, aussi bien des meubles en kit (interdits de déposer dans les bacs) que des immondices (que vous voulez-vous, ce sont des ordures après tout).

Parfois, les bacs recèlent de petits trésors. En cinq ans « de métier », j’ai pu récupérer un nombre incroyable d’objets à revendre : batteries d’ustensiles en cuivre, jeux vidéos, bandes dessinées, lots de DVD, téléphones portables anciens mais en état de fonctionner… La liste est non exhaustive. Ce sont de nombreux objets dont on se débarrasse, pourtant il est toujours possible de s’en resservir ou de les remettre sur le marché. La revente se fait dans les brocantes ou dans les dépôts vente. Les éboueurs le font régulièrement, avec ces « trésors » sortis des ordures. Ils s’assurent ainsi une petite rentrée d’argent non négligeable.

Cette pratique s’appelle la piaute dans le jargon. Même si elle est, et reste, interdite par le règlement tout le monde prend le gauche. Après tout, ce qui est dans le bac est destiné à être jeté aux ordures. Pour anecdote, avec des jouets « vintage » des années 80 trouvés neufs dans leur emballage, j’ai pu me faire 90 euros, soit près de 8 % de mon salaire en ce mois de décembre.

Les objets ne sont pas les seuls à être récupérés. Il en va de même pour certaines denrées alimentaires jetées par des grandes surfaces. Vers les 7 heures du matin, vous trouverez de nombreuses personnes en train de fouiller dans les bacs. Il ne s’agit pourtant pas de sans abris mais de retraités ou de jeunes n’arrivant pas à joindre les deux bouts par ces temps de crise. Ces derniers récupèrent diverses denrées : brioches, pains, laitages emballés et proches de la date de péremption. Le spectacle est parfois tragique, mais si ces derniers y trouvent leur compte et réduisent ainsi leurs dépenses en alimentation, tant mieux !

Je suis sûr que beaucoup d’entre vous doivent être en train de rire de ces anecdotes derrière vos ordinateurs. Pourtant, si vous lisez ce papier au travail, vous pratiquez la perruque, c’est-à-dire que vous mettez à profit votre temps de travail pour faire autre chose… C’est ni plus ni moins que ce que j’ai fait, sauf que c’étaient des objets destinés à être brûlés dans un incinérateur. Il s’agit aussi d’une certaine façon de remédier à un des maux de nos sociétés dites occidentales, la surproduction et soyons honnêtes, à se faire aussi un peu plus d’argent de poche.

Rochdi Chaabnia (Lyon Bondy Blog)

Rochdi Chaabnia

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022