Qu’ont en commun SFR, BNP Paribas, Ubisoft (grand nom du jeu vidéo) et les Délices du Taroudjan, un kebab du pont de Bondy ? Ces entreprises sont toutes implantées en Seine-Saint-Denis. Problème : si ces sociétés, et bien d’autres, font leur trou dans le 93, le chômage aussi, 11,3% en 2010, dont 27% d’augmentation chez les 18-25 ans. Certains élus locaux pensent donc que les entreprises passent le périphérique avec leurs employés dans les bagages, sans piocher dans les profils du cru. « Face à cette situation paradoxale et inacceptable, nous ne pouvons rester sans rien faire. C’est pourquoi, je vous invite à nous rassembler pour lancer un appel à la constitution d’états généraux pour l’emploi en Seine-Saint-Denis», demande Kamel Hamza, élu UMP de La Courneuve.
Le rassemblement a eu lieu, vendredi 21 janvier, dans un café de La Courneuve, en présence d’élus du département, de chefs d’entreprises, d’associations qui oeuvrent pour l’emploi, et bien sûr, en présence des principaux concernés : des jeunes qui cherchent du boulot. Kamel Hamza égraine tous les projets mirifiques qui émergent dans le département : un parc paysager de grande envergure ouvre à Bagnolet, une énorme station d’épuration s’implante à Noisy-le-Grand, et le département devrait prochainement accueillir trois pôles d’excellence dans les domaines des métiers de l’image, du tourisme d’affaire et de la logistique. Ces pôles vont attirer des entreprises et des emplois, mais pour Kamel Hamza : « Plus la qualification des postes est importante plus la représentativité des habitants du département est faible. Pourtant ce ne sont pas les diplômés qui manquent. »
Les atouts du département sont nombreux pour les entreprises (proximité de la capitale, foncier plus intéressant que dans Paris, transports…) mais les habitants ne profitent pas de cette engouement, dénonce Leila Bouzidi, élue de Bobigny : « Les entreprises et certaines collectivités ne jouent pas le jeu. Même ceux qui reçoivent des prix comme les Talents des cités, constatent que derrière personne ne veut leur signer de contrat. » Un fonctionnaire de police témoigne de l’importance du problème : « La clef dans ce département c’est le travail. Les délinquants à qui on a affaire sont pour la plupart des laissés-pour-compte de l’emploi. Améliorer l’emploi, c’est améliorer la sécurité. »
Monter sa société, une des solutions avancée par Aziz Senni, chef d’entreprise et auteur de « L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier », pour lutter contre le chômage. Il raconte au public son expérience réussie comme jeune créateur d’entreprise. Pour le financier suisse Rodolphe Pedro, qui prend la parole : « Il faut repenser le travail en France. Il y a 4 millions de chômeurs, ils ne pourront pas tous trouver un emploi de salarié. » L’appel aux états généraux de l’emploi prend un tour plus concret quand les cv s’échangent dans la salle. « Une grande partie de l’emploi passe par le réseau, c’est ce que vous faites actuellement en donnant vos CV », affirme Aziz Senni. La majorité des ces curriculums vitae, atterrissent devant Rodolphe Pedro, qui projette de créer une université de la finance en Seine-Saint-Denis, pour les jeunes décrocheurs (ceux sortis de l’école sans diplôme), après une expérience réussie à Lyon.
Parmi les personnes en recherche d’emploi présentes dans la salle, des jeunes actifs tout juste sortis du lycée, ou de HEC… « J’ai fait un DESS de droit des affaires, raconte Nabéla, les recruteurs m’ont dit que ce n’était pas suffisant. J’ai donc suivi un cursus très onéreux à HEC, mais ma recherche d’emploi est restée infructueuse. » Nabéla vient donc de créer sa société de conseil juridique. En Seine-Saint-Denis, 43% des jeunes sont au chômage. Et Kamel Hamza de rappeller : « Dans le 93, les surdiplômés sont autant touchés par le chômage, que ceux qui quittent l’école sans aucune formation. »
Idir Hocini