Le monde des chômeurs n’est pas content de vous annoncer la naissance de Pôle emploi. L’enfant né de l’union de l’Assedic et de l’Anpe. En guise de gourmette pour le petit, un collier étrangleur : la suppression de l’AFF (Allocation de fin de formation), qui fait partie d’une batterie de lois dites de refonte de la formation professionnelle. « C’est une blague ? Non ? Mais qu’est-ce que je vais faire sans l’AFF, moi ? », s’exclame Selma face à sa conseillère Pôle emploi.
Selma, 34 ans, avait enfin trouvé une formation. Elle doit y renoncer. Etant en fin de droits pour son chômage, elle comptait sur l’AFF pour percevoir presque l’équivalent en indemnités. « Il faut bien que je paye le loyer. La formation que j’avais trouvée, dans l’alimentaire, était non rémunérée. J’avais donc besoin de l’AFF. J’en avais marre des petits CDD. Je voulais un emploi stable. Je n’ai pas le BAC. Je n’en peux plus. C’est un vrai métier que de trouver une formation : il faut se renseigner sur l’organisme, les tarifs, le financement et la qualité de la formation. Puis c’est l’envoi du CV et de la lettre de motivation. S’ensuivent l’entretien et les tests. Il ne reste plus qu’à prier pour qu’on vous prenne et qu’il y ait assez de place. Rien n’est simple. Rien n’est clair. Avec la suppression de l’AFF, je pourrais dire adieu à ma formation. Fin Mars, je ne toucherais plus le chômage, je vais devoir retourner chez maman. Que dieu me la garde. »
Selon les statistiques, cette allocation était distribuée à 25 000 personnes, chaque mois. Et Habiba comptait aussi dessus. Cette jeune maman de deux enfants évoque son expérience : « Je n’ai que le BAC. Avant, j’étais croupière dans un cercle de jeu. Et comme c’est un métier de nuit, je n’arrivais plus à jongler avec mes enfants et mon boulot. J’ai été licenciée. Je me suis inscrite à l’Anpe. La réponse de ma conseillère a été sans appel : « C’est léger quand même, seulement le BAC, il vous faut une formation qui sera financée par le conseil régional, les ministères, la caisse de retraite ou le Fongecif. Sinon, ça sera le smic de chez smic. »
» Du coup, poursuit Habiba, j’ai voulu mettre à profit mon expérience professionnelle, j’ai voulu devenir hôtesse d’accueil, ou vendeuse dans le prêt-à-porter, comme je présente bien. Hélas, à chaque entretien, on me demandait impérativement l’anglais. Ce début d’année, je suis retournée toute fière à Pôle emploi parce que j’avais trouvé un organisme qui donne des cours d’anglais. Et là, le couperet est tombé de la bouche de ma conseillère : « Mais vous êtes en fin de droits pour le chômage ? » Je le savais mais je pensais avoir droit à l’AFF. « Ha ! Vous n’êtes pas au courant ? m’a-t-elle rétorqué. Ça été supprimé au 31 décembre 2008. » Plus de chômage et plus d’AFF, c’est la cata. Il faut tout recommencer avec un autre CDD pour avoir droit, à nouveau, à l’allocation chômage. »
Un employé de Pôle emploi qui souhaite garder l’anonymat, affirme : « L’Etat ne veut plus mettre la main à la poche. Il faut faire travailler les gens tout de suite. L’Etat n’est pas bête. Il voit bien le cas des étudiants. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour se former. Eh bien, les gens n’ont qu’à faire comme eux. » Le gouvernement table sur une économie de 169 millions d’euros, somme dépensée en 2008 au titre de l’AFF.
Nicolas Fassouli