Le Bondy Blog : Quelle est la politique d’Europe 1 en matière de diversité ?

Frédéric Schlesinger : Notre priorité est la réduction des inégalités entre hommes et femmes. Dans quelques mois, le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) doit sortir. Vous verrez que nous sommes parmi les meilleurs élèves là-dessus.

Bondy Blog : Et particulièrement en matière de diversité sociale, notamment envers les Français issus de l’immigration ?

Frédéric Schlesinger : Ils ne sont pas bien représentés dans les médias en général. Europe 1 n’échappe pas à cette règle mais nous en faisons une priorité. Cependant, on ne va pas entrer dans une comptabilité. Nous offrons un certain visage de la diversité sur notre antenne, notamment pour les femmes, de toutes les origines. Sur les populations issues de l’immigration, bien sûr qu’on a encore un effort à faire. Mais nous sommes totalement ouverts en termes de recrutement. En revanche, nous sommes contre le CV anonyme parce que, chez nous, un Mohamed a les mêmes chances qu’un Julien.

Le Bondy Blog : Pourtant, il n’y a pas l’air d’y en avoir beaucoup des « Mohamed » chez vous…

Frédéric Schlesinger : Si. Je ne vais pas vous citer les noms mais dans l’ensemble de l’entreprise, il y a un nombre significatif de personnes issues de la diversité.

Le Bondy Blog : Parmi les journalistes ?

Frédéric Schlesinger : Je vous parle de l’entreprise en général. On ne tient pas de comptabilité pour savoir si c’est parmi les journalistes en particulier ou parmi les gens qui incarnent Europe 1 à l’antenne. Sachez pourtant qu’il y a des gens à des postes importants issus de la diversité, même si moi, je n’aime pas les qualifier de cette façon : « Issus de la diversité ».

Le Bondy Blog : Pourtant, quand on regarde les visages qui incarnent la rédaction, on ne dirait pas.

Frédéric Schlesinger : C’est parce que vous regardez la grille (où n’apparaissent que les vedettes, ndlr). Mais vous avez vu notre journaliste Nadia Daam ? Vous avez vu Anicet Mbida ? Ce dernier a une chronique à un moment très important de la matinale, durant le 7-9. Je ne sais pas s’ils correspondent à la « diversité » ou pas. Pour moi, Anicet Mbida est un journaliste comme les autres, bien qu’il soit noir. Je ne vais pas non plus vous dire qu’Europe 1 est un exemple en la matière. Ce n’est pas vrai.

Le Bondy Blog : Sur quels critères se base votre radio pour recruter ses collaborateurs à la rédaction ?

Frédéric Schlesinger : Nous essayons d’avoir les meilleurs journalistes. Ils sont passés par les écoles dédiées. On essaye de prendre les profils les plus adaptés à la fiche de fonction, mais on ne discrimine personne. Après, vous pouvez faire le constat que les jeunes issus des quartiers populaires ne sont pas nombreux dans les écoles de journalisme. Comme dans les grandes écoles d’ailleurs.

Le Bondy Blog : Donc c’est le système scolaire qui est responsable de ce manque de diversité ?

Frédéric Schlesinger : Je ne dis pas que c’est la faute du système scolaire. Vous voyez bien les difficultés que notre pays a pour intégrer les populations nouvelles. C’est un sujet de société qui date de bien avant les grandes vagues d’immigration. Les milieux populaires au sens large sont très peu représentés dans les grandes écoles. Ce sont des études qui coûtent cher et il y a plein d’autres facteurs objectifs qui mènent à cette situation. Notre société a maltraité ces sujets, ou ne les a pas traités, ou n’a pas trouvé la bonne façon de s’en occuper.

Le Bondy Blog : Traitez-vous souvent de l’histoire de l’immigration ? Le combat et la victoire des Chibanis face à la SNCF n’ont pas occupé beaucoup de place dans les médias…

Frédéric Schlesinger : Les Chibanis, nous avons traité, on a traité les chrétiens d’Orient, la Syrie, la géopolitique et ce qu’il se passe au Moyen-Orient. On traite vraiment tous les sujets.

Le Bondy Blog : Pourquoi certains Français ne se sentent-ils pas représentés dans les médias si tout est traité ?

Frédéric Schlesinger : Posez-leur la question !

Le Bondy Blog : Nous l’avons déjà fait. À nous, ils nous répondent que les sujets qui sont abordés et la manière dont ils le sont ne parlent pas de leur mode de vie, ne font pas écho à leur quotidien et sont loin de leurs préoccupations quotidiennes.

Frédéric Schlesinger : Vous avez l’air de sous-entendre que la hiérarchie de l’information serait moins objective en sous-traitant certains sujets. Mais si on fait un tour rapide de nos émissions : le 7-9 est un grand journal de deux heures, on parle donc de tout. De 9h à 9h30, c’est une émission plus culturelle. On invite absolument tous les artistes, qu’ils soient du ciné, de la musique.

Le Bondy Blog : Par exemple, invitez-vous beaucoup d’artistes issus du hip-hop ?

Frédéric Schlesinger : Le dernier partenariat que nous avons signé, c’était avec Kimberose (groupe de funk-soul, NDLR) qui est une Ghanéenne. Alors après, on ne va pas parler spécialement de hip-hop, nous ne sommes pas une radio hip-hop. Nous en passons quand il faut en passer mais nous ne sommes pas une radio musicale. Vous êtes en train de me parler du Mouv’ ou de Skyrock…

Le Bondy Blog : On dit souvent que s’il n’y a pas beaucoup de personnes issues des quartiers dans les rédactions, c’est que les habitants des quartiers ne sont justement pas la cible. Est-ce le cas chez vous ?

Frédéric Schlesinger : On s’adresse absolument à tout le monde. Europe 1 s’adresse à toutes les Françaises et tous les Français qui veulent écouter. Sans exclure personne. Il y a des émissions pour tout le monde.

Le Bondy Blog : Et sur les sujets de prédilection qui intéresseraient les citoyens des quartiers populaires, avez-vous quelque chose à proposer ?

Frédéric Schlesinger : Nous n’avons pas cette approche-là. Nous avons un terrain d’expression privilégié, qui est l’économie, qui ne passionne pas forcément tout le monde. Mais aujourd’hui, l’économie, la politique et les problèmes géopolitiques sont tellement proches qu’ils interagissent les uns avec les autres. Et tout le monde devrait s’intéresser à l’économie. Mais il y a aussi des débats d’idées avec Frédéric Taddeï par exemple. Il reçoit des invités qui parlent de tout.

Propos recueillis par Alban ELKAÏM

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