Ma grand-mère, qui habite à Boulogne-Billancourt (92) dans une cité HLM, a ses petites habitudes dans le Carrefour en bas de chez elle. Elle s’y rend presque tous les jours et pas seulement pour faire ses courses, mais aussi pour rencontrer de nouvelles personnes ou pour voir ses amies. A 80 ans, il n’est pas toujours simple de se déplacer, elle n’a pas passé son permis de conduire, car à son époque les femmes ne voyaient pas l’intérêt de l’avoir, pour beaucoup n’y songeaient même pas, leur époux l’ayant pour toute la famille.
Or voilà que son Carrefour est en grève, et que ça dure. Il y a bien d’autres magasins où ma grand-mère pourrait aller faire ses courses, mais il faudrait pour cela qu’elle prenne le métro, alors elle se retrouverait dans un magasin où tout lui est inconnu, et rentrerait chez elle les bras chargés. Quand elle m’a raconté que « son » Carrefour était en grève elle avait l’air dépitée, était choquée de voir les rayons, les étagères vident. Elle se demande comment elle va faire pour se nourrir si la grève continue.
Elle m’a même dit que cette situation la faisait penser à la Seconde Guerre mondiale. Elle se rappelle que ses parents l’avaient alors envoyée, elle, ses frères et sœurs, dans le sud de la France pour qu’ils ne manquent de rien. Mais à son retour à Saumur, sa famille avait du mal à trouver de quoi se nourrir, bien que la guerre fût finie. Il y avait une grande pénurie de nourriture.
Aussi, en voyant les rayonnages vides de son magasin de proximité, les salariés en colère, elle a fait directement le rapprochement avec son enfance. Elle ne regarde pas tellement la télévision et quand elle a demandé à une salariée pourquoi ils étaient en grève et pour combien de temps encore, celle-ci lui a répondu que ça n’était pas près de s’arrêter, car ils voulaient être mieux considérés et avoir une augmentation de salaire.
Maintenant quand je vais la voir ou que je l’ai au téléphone, elle ne me parle que de ça. Elle me rapporte les discussions entre mamies qui vont bon train et qui ne la rassurent pas du tout. Quand ces grèves s’arrêteront-elles ? Les salariés et la direction trouveront-ils un terrain d’entente ? Ma grand-mère l’espère fort.
Aurélie Laizé