Ce mercredi 6 février, le soleil pointe le bout de son nez, la bonne humeur est au rendez-vous. Un mariage sur l’autoroute ? C’est ce à quoi pourrait faire penser le cortège de voitures : des centaines de véhicules immatriculés 57 se faufilent, se suivent, doublent sans le signaler. Ce sont les « taxis en colère » qui passent par là pour rejoindre le point de rendez-vous, Porte Maillot. Pas vraiment une surprise. L’opération « escargot » a largement été annoncée par les médias. En revanche, ce qu’on connaît moins, c’est l’état d’esprit de ces grévistes hors du commun, qui manifestent la main au volant et jouent du klaxon, et qui leur vaut des autres usagers de la route d’être accueillis par des : « Bandes d’emmerdeurs, de fainéants », « Allez manifester comme tout le monde à pieds ! »
Vers 12h20, le trafic se ralentit, jusqu’au blocage total de la circulation au niveau de la bretelle entre l’A3 et l’A1. C’est visiblement parti pour durer puisque les chauffeurs s’arrêtent et descendent de leur voiture : un traître a été repéré ! Les anti-rapports Attali veulent faire passer la douche froide au chauffeur qui ne fait pas grève. Même si les deux sens de circulation sont séparés par un terre-plein, les taxis en sens inverse s’attroupent pour stopper le seul taxi en service dans cette zone. Sur son visage, on lit quelque chose comme « j’aurais dû prendre une pause déjeuner… ». Son client, un homme d’une cinquantaine d’années à la barbe blanche, reste à sa place mais paraît tendu. Tous deux essuient les railleries qui fusent de part et d’autre : « TaxAttali va, j’espère au moins que t’es un salarié, et encore, c’est pas une excuse », crient l’un d’eux, sûrement un indépendant. Un autre l’interpelle : « Tu t’es fait combien de clients depuis ce matin, hein ? Obligé tu vas te faire le chiffre d’affaires de l’année, obligé ». Un chauffeur de taxi très remonté jettera même une pièce de monnaie en direction du non-gréviste qui finira par sortir de son véhicule pour mettre le capuchon, en signe de capitulation, sur la plaque au-dessus du toit de sa Renault Scenic.
Ce n’est qu’une quinzaine de minutes plus tard que les manifestants reprennent le volant. Les grévistes n’ont plus de voix, le trafic reprend son cours, tous les clignotants sont à droite et cherchent à squatter la sortie. Pas question d’être pris au piège de l’escargot 1 000 mètres plus loin : plutôt galérer en ville, le temps que ça passe.
Hanane Kaddour