Litchy (ma sœur) et Nadia, 14 ans toutes deux, sont copines, en troisième et vivent en ce moment le gros « stress » de la recherche d’un stage. Il y a sept ans, j’étais dans la même situation et je m’en souviens encore comme si c’était hier. On cherche, on cherche mais au final, on ne trouve pas ce qu’on cherche.

On se retrouve à faire un truc à l’opposé total de l’idée de départ. Et puis, à cet âge-là, on vise haut. « Je voulais faire mon stage dans un cabinet d’avocat parce que je suis intéressée par le droit, explique Litchy (à droite sur la photo, avec Nadia), alors je suis allée voir trois avocats différents qui m’ont tous fait la même réponse: non ! Ils me disaient: « Ah non, je ne prends pas de stagiaires » ou bien, « Je prenais des stagiaires mais ils faisaient n’importe quoi alors je n’en prends plus ! » »

« Moi, raconte Nadia, j’avais visé Paris, je voulais travailler à Gucci, aux Champs-Elysées… La première fois que j’ai entendu « stage », j’étais trop contente, je me voyais déjà loin, jamais je n’aurais pensé que je serais resté à Bobigny. » Les désillusions ne se sont pas fait attendre pour nos deux ambitieuses. « J’avais l’impression de chercher du travail pour nourrir ma famille, plaisante Litchy, jamais je ne me suis pris autant de bâches. Jean-Louis David, Jennyfer, des copains et des copines, tous ont eu la même réponse : non ! Parfois, on sait à l’avance qu’on ne va pas être prise mais on y va quand même. »

Bon, les filles, finalement, vous le faites où, votre stage? « A la maternelle, à Bobigny », pour Nadia. « A l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville) » pour Litchy. Comment avez-vous trouvé une place ? « Grâce à la mère du petit que ma mère garde », répond Nadia. Litchy fait preuve de reconnaissance : « Heureusement que les grandes sœurs sont là ! » Rires.

Alors, contentes ? Litchy : « Moi, ça va. » Nadia : « Je suis très, très, très déçue, en plus j’avais aussi essayé de postuler dans un hôpital, euh… Lariboisière, mais ils m’ont dit que j’étais trop jeune. Notre âge est un gros problème pour trouver un stage et puis les profs ne nous aident pas assez. Je sais que c’est parce qu’ils veulent qu’on se débrouille tous seuls, mais j’aurais voulu qu’ils nous aident un peu plus. » Ceux qui n’ont pas trouvé de stage « feront leur stage au collège, les pauvres ». Elles éclatent de rire.

L’avenir, maintenant. « Je voudrais être sage-femme, travailler avec les enfants et être bien payée. C’est la télé qui m’a donné envie de faire ce métier. Au début, mon choix, c’était puéricultrice mais je voulais être au-dessus d’elles, alors j’ai changé », affirme Nadia avec aplomb. Et Litchy ? « Je veux vraiment devenir avocate parce que j’aime bien parler, me justifier, défendre les gens et… l’argent. » Nadia se met à rire: « Tu rêves ! Avocate ? C’est pas possible, déjà, tu pars mal, t’es mal localisée pour ça. » Nadia précise ce qu’elle veut dire : « Je pense qu’on est un peu en compétition avec les autres, les Parisiens par exemple, mais on ne leur arrive pas à la cheville. – Tu penses vraiment ce que tu dis ? – Oui », dit-elle, toujours avec le sourire.

Ndembo Boueya

Ndembo Boueya

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022