LES PIEDS DANS LE PLAT, 5/5. Rym, la trentaine, au chômage, a décidé de changer de voie et de créer sa propre boîte. Une aventure au quotidien qu’elle a décidé de faire partager.

La Sweet Table était née, et née de façon très officielle puisque déposée à l’Institut national de la propriété intellectuelle : mon idée était devenue une marque. Une marque qui ne demandait plus qu’à exister, en vrai, trouver ses clients, faire des devis, puis des factures sur un joli papier de 150 gr minimum avec pour entête mon logo en relief, tout en élégance et en sobriété, comme dans les grandes et prestigieuses maisons.

Je n’en suis plus au tout début de mon aventure ; j’aime bien ce terme, même s’il évoque plus aujourd’hui l’abécédaire simplifié du candidat de téléréalité que les romans de Jules Verne ou de Rudyard Kipling ; mais j’avais besoin qu’on me dise que mon idée était une bonne idée. Alors j’ai décidé de rencontrer des gens, des gens qui avaient réussi ce que je m’apprêtais à faire : entreprendre.

Ces gens-là, on ne les rencontre pas à tous les coins de rue, quoique ; la première personne à qui j’ai parlé de mon projet, je l’ai croisé pour la première fois au Monoprix, et après plusieurs rencontres, je me suis décidé à lui parler de mon projet. C’était il y a deux ans, mon projet n’était encore qu’une idée, mais une idée qui lui a paru intéressante. Depuis, l’idée a grandi, et Sophie Ferjani, cette rousse lumineuse, décoratrice de formation que l’on retrouve notamment sur M6, m’a dit aimer mon travail. Elle me l’a dit avec enthousiasme, et ça m’a profondément touché ; peut être parce que c’était la première, peut être aussi et surtout parce que c’est un regard professionnel sur un travail que je ne voyais pas encore comme tel.

« Speed mentoring »

Les autres, j’ai dû fouiller internet pour pouvoir les approcher. Lors d’un Forum organisé par le magazine Elle, on me proposait de trouver mon mentor parmi dix grands patrons, rien que ça ! J’ai donc envoyé un mail de motivation pour obtenir dix précieuses minutes de « speed mentoring » avec je l’espérais le patron de Coca-Cola, de L’Oréal, de Havas ou d’Axa ; j’ai obtenu un rendez-vous avec Pap’Amadou Ngom. J’avoue que je ne le connaissais pas. Fondateur et Pdg d’une société informatique, il est aussi président du club du XXIe siècle dont la mission est de promouvoir la diversité dans la société française, et question diversité, je suis pile-poil dans la cible, j’avais trouvé un mentor sur mesure, taillé pour moi. J’ai fait le plein de conseils et surtout de confiance, et c’est à ça aussi et surtout que servent ces rencontres, en tout cas pour moi, étoffer la confiance en soi, en son projet.

Pour « Promouvoir le travail des femmes », thème du forum cru 2013, le magazine avait aussi prévu tables rondes et ateliers ; j’ai juste eu le temps d’assister à un atelier avant de devoir rentrer chez moi, en urgence, invitée par l’école à venir récupérer mon fils pour cause de diarrhée persistante. L’atelier « Constituer votre réseau à 25 ans » était animé par les fondatrices de l’association WoMen’Up. Je n’ai plus 25 ans, je les ai eus il y a dix ans, mais c’est le seul atelier où j’ai pu m’inscrire, on m’y a confié avec talent et humour les secrets du Networking, et j’ai pu retourner dans ma banlieue m’occuper de mon fils qui, le temps du trajet Paris-Bondy, avait guéri.

Je garde aussi de cette journée le souvenir du regard médusé des hôtesses L’Oréal chargées des inscriptions à l’atelier « Se faire maquiller et photographier par des pros ». Il y a dans les regards des gens que je croise et que je rencontre dans ces événements, une sorte de curiosité bienveillante dont je ne me lasse pas ; et qui m’aide à oublier ceux que je croise ailleurs, plus désagréables, remplis de méchanceté, parfois même de haine. Et moi, je ne comprends toujours pas, que l’on ne comprenne pas qu’un foulard n’est finalement qu’un foulard.

Continuer à avancer

Sur internet, j’ai également découvert que Teva et Madame Figaro organisaient une journée pour « Rebondir au féminin », le « Teva Lab », une journée de réflexion et d’échanges, une journée dont le thème et le programme semblaient avoir été étudié pour moi. Elles étaient nombreuses ces femmes venues raconter comment elles ont voulu et réussi à rebondir. Et certaines m’ont plus marquées que d’autres, mais toutes sont des femmes dont j’envie et j’admire les parcours, et qui parfois par l’intérêt qu’elles portent au mien, m’aident à trouver les ressources nécessaires pour continuer à avancer.

La rencontre suivante, c’est la plus inattendue et la plus inespérée. Ma sœur, Parisienne du 20e arrondissement, m’informe que se tiendra dans sa mairie le « 4ème salon de l’emploi des métiers culinaires et de la restauration » avec la participation entre autres de l’enfant du pays, le chef étoilé, Thierry Marx. Je n’ai jamais goûté sa cuisine, je n’ai acheté aucun de ses livres ; je suis pourtant fan, comme les minettes qui perdent la raison dès qu’elles voient le visage pré pubère des nouvelles stars de la chanson dont je ne connais même plus les noms, je suis fan. Je l’ai découvert à la télé, bien avant Top Chef, dans des reportages qui soulignaient la simplicité et la modestie de cet homme au talent fou, et j’avais décidé que je devais et que j’allais le rencontrer.

La journée commence avec les interventions des différents participants, et tout le monde n’attend que lui, une superstar qui ne l’est que dans nos yeux, car son discours à lui est bien concret, il ne cesse de nous dire l’importance du projet professionnel ; quel que soit le parcours que l’on a, qu’il soit tortueux comme le sien, ou pas. J’apprends également que certains d’entre nous auront la chance de rencontrer le chef lors d’un « speed meeting » de dix minutes. En fait, tous les créneaux sont déjà pris, et la personne qui gère le planning m’assure qu’il sera pratiquement impossible de décrocher un rendez-vous ; il me propose quand même de patienter, au cas où quelqu’un aurait l’inconscience de ne pas se présenter. Comme il fallait s’y attendre, tous seront là, d’autres viendront même se joindre à moi dans l’espoir de rencontrer le chef. J’ai juste le temps de lui glisser ma plaquette, que le monsieur m’explique que le chef doit partir assurer son service au restaurant, et que je ne pourrai donc pas le rencontrer ; puis quelques instants plus tard, il m’invite à entrer pour cinq précieuses minutes.

Je n’ai même pas le temps de réaliser que je me retrouve assise en face de lui, ma plaquette à la main et que je l’invite à commencer tout de suite afin de ne pas perdre un seul instant. J’ai presque oublié de qui il s’agissait et l’admiration que j’ai pour lui, je n’ai vu que le professionnel, le chef d’entreprise, j’ai vu l’opportunité de bénéficier de conseils sur mon projet, sa viabilité, sa pertinence. Décomplexé par l’envie de réussir, je n’ai même pas dégainé mon iPhone pour une photo souvenir qui aurait fait son petit effet sur Twitter ou Facebook, et c’est à ce moment précis que j’ai réalisé l’importance qu’avait pour moi ce projet, mon projet.

Rym Ben Tili

 

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