Fin 2008, Karima F. apprend que sa fille, âgée d’un an et demi, est atteinte d’un cancer. Suivie à l’institut Curie et à l’hôpital Necker, la petite va subir une chimiothérapie mais cela va entraîner  beaucoup de complications sur sa santé. Opérée en juin 2009, elle est toujours en suivi médical régulier car elle est atteinte d’une pathologie chronique. Cependant, le sommeil manque beaucoup à celle-ci, âgée de quatre ans maintenant, sa grande sœur de six ans ainsi que sa mère sont victimes des mêmes insomnies. Depuis 2009, Karima F. a demandé une mutation de logement à Bobigny. Habitant le quartier Paul Vaillant couturier, elle subit des nuisances à longueur de temps.

Machine à laver activée à trois heures du matin, talons sur le parquet à cinq heures, bagarres familiales, menaces, cris. Elle, ainsi que ses voisins, se plaignent mais en vain. Les voisins du dessus leur font la misère. Elle ne dort que trois heures par nuit, ses filles aussi qui sont complètement déréglées, épuisées après une journée d’école. De plus, habitant au 13ème étage, avec des pannes d’ascenseurs régulières, cela est devenu vite insupportable pour elle et ses filles, mais aussi pour les ambulanciers et le personnel médical qui s’occupent de la petite. La propreté du quartier, qui jusqu’à l’été dernier était envahi de rats, n’arrange pas du tout les choses.

Depuis 2009, sa demande n’a guère avancé. Les hôpitaux qui s’occupent de sa fille ont écrit des courriers pour appuyer son dossier, un en 2009 et deux autres en 2011. Un des courriers de l’institut Curie précise : « L’état de santé de sa fille nécessite un logement dont les conditions d’hygiène, de calme et de promiscuité soient optimales. Il parait donc nécessaire d’attribuer un nouveau logement remplissant ces conditions pour la famille ».

De plus, le 25 février 2011, Karima F. écrit un courrier au Président de la République pour expliquer sa situation et demander une aide. Réceptionné le 1er mars, la réponse du chef du cabinet du président est envoyée le 8 mars : « Je n’ai pas manqué de signaler votre situation au Préfet de la Seine Saint Denis, afin que votre dossier fasse l’objet d’un examen attentif par les services compétents». Mais toujours pas d’évolution dans son dossier. L’OPHLM de Bobigny lui précise qu’en vue de sa situation, elle est prioritaire pour une mutation dans le quartier demandé (Chemin-Vert).

Si elle souhaite y aller, c’est seulement parce que l’isolation sonore est meilleure, les immeubles, plus propres, et surtout parce que sa mère ainsi que 4 de ses frères et sœurs y habitent. Très pratique lorsque sa petite fait des rechutes et qu’il faut alors laisser la plus grande à quelqu’un assez rapidement pour emmener sa fille aux urgences. Car ayant eu les organes touchés par le cancer, son foie est en très mauvais état et la greffe est depuis quelques mois devenue indispensable pour la survie de sa fille.

Tous ces éléments ont été transmis à la Mairie et l’OPHLM, les photocopies des courriers etc… La réponse qu’elle a eu la semaine passée après une énième relance à la mairie est : « Il faudrait ajouter un élément plus dramatique au dossier pour qu’il avance. Je suis désolée mais je vous transmets ce qu’on me dit là-haut ». Réponse faite juste après que sa fille a été  victime d’une mauvaise chute sur le nez dans le toboggan de la cour de récréation et qu’elle a eu 13 étages à monter à pied sa fille à bout de bras pour pouvoir prendre le dossier du suivi de celle-ci et l’emmener aux urgences.

Le mauvais sort s’acharne sur sa fille. La seule réponse qu’elle ait pu apporter à l’administration est : «  Il faudrait alors le décès de ma fille pour qu’on me mute ailleurs … ». Absence de réponse de la secrétaire. A cela s’ajoute des problèmes de santé chez Karima. Récemment opérée des yeux pour des glaucomes, elle est aussi suivie de près par ses médecins qui s’inquiètent pour sa santé. Le manque de sommeil et les nerfs pourraient entrainer un glaucome pigmentaire et ainsi la cécité.

Karima ne sait plus quoi faire ni vers qui aller quand elle constate, selon elle que le quartier dans lequel elle a demandé sa mutation à six appartements libres et qu’à la Mairie, toujours d’après Karima,  on lui répond que non, ils sont tous occupés. Dans l’entourage de cette dernière, on pense qu’avec du piston et des connaissances, les choses avanceront. Malheureusement cette maman en détresse n’a rien de tout ça…

Ines EL Laboudy

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