Il y a quelques jours, je me suis fait peur. Non, je ne suis pas allé dans une cité qui serait devenue une zone de non-droit, mais j’ai lu le rapport Pébereau. Ce rapport est déjà un peu poussiéreux : il a maintenant un an et comme il ose aborder les sujets qui fâchent tout le monde s’est empressé de l’oublier. Bizarrement, il semble même que le mutisme soit de rigueur sur le sujet, comme si discuter ces chiffres avec le public et les citoyens serait reconnaître 25 ans de mauvaise gestion et de comportement irresponsable de notre classe politique.

Effectivement, cela fait 25 ans que la France s’endette sans interruption, 25 ans que la France dépense plus qu’elle ne gagne, 25 ans que les fins de mois sont difficiles et qu’elle emprunte à droite et à gauche.

La dette de notre administration publique s’élève à près 1100 milliards d’Euros et si l’on considère l’engagement de l’état vis-à-vis de ses fonctionnaires pour leur retraite (engagement contractuel envers ses salariés qu’il se devra a priori d’honorer dans le futur) il faut y rajouter 400 milliards d’Euros. Ces chiffres sont un peu vertigineux, n’est-ce pas ? Pour leur donner un sens concret, imaginez que cette dette représente plus de 60% de la richesse nationale produite pendant une année (le PIB – Produit Intérieur Brut). Si vous préférez elle représente près de 8 mois du travail de l’ensemble des Français.

Les ménages qui ont du mal à joindre les deux bouts me comprendront, le problème avec les dettes, c’est qu’après il faut payer les intérêts et là, le cercle vicieux commence. En l’occurrence dans notre pays c’est l’équivalent de l’impôt sur le revenu que l’état doit verser chaque année à ses créanciers, uniquement pour payer les intérêts de la dette, c’est assez cocasse pour un pays qui revendique sa « fibre sociale ». En clair, chaque ménage français supporte à « son insu de son plein gré » une dette de 41 000 €, ce qui est très souvent bien davantage que ce qu’il gagne en un an.

Malheureusement, lorsqu’on est endetté, il n’y a pas des centaines de solutions possibles pour en sortir. Il faut réduire les dépenses ou augmenter les revenus. Pour augmenter ses revenus l’Etat a deux possibilités. La première est d’augmenter la part prélevée sur la richesse produite. Pas de chance, la France a déjà l’un des taux de prélèvement les plus élevés d’Europe (44% du PIB). L’autre serait d’accroître davantage le PIB, mais pour équilibrer le budget de l’Etat il faudrait une croissance annuelle supérieure à 3%, hors cela ne nous est plus arrivé depuis fort longtemps.

Voyez-vous, ce qui me gêne finalement le plus, c’est que si nous ne faisons rien aujourd’hui et maintenant, nous risquons de devoir irrémédiablement nous serrer la ceinture demain. Plus exactement nos enfants paieront le prix du laxisme des générations précédentes. Les populations les plus vulnérables seront les premières à en payer le prix (si ce n’est déjà le cas) et les émeutes de 2005 pourraient alors ressembler à une ballade champêtre.

Alors Messieurs et Mesdames les politiciens, chers candidats à l’élection présidentielle, merci de nous expliquer comment la France équilibrera son budget et comment elle réduira sa dette : ce que nous allons devoir faire, nous les citoyens, pour arriver à préserver notre avenir collectif avant que la grenade dégoupillée ne nous saute à la figure.

Cédric Roussel

Le rapport Pébereau : http://www.minefi.gouv.fr/notes_bleues/nbb/nbb301/pebereau.pdf

Cédric Roussel

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022