François Lamy, ministre délégué à la Ville, et Fleur Pellerin, ministre chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique ont présenté mercredi 11 décembre à Gennevilliers leur plan « entrepreneurs des quartiers », destiné à faciliter la création d’entreprises dans les quartiers défavorisés.

Mohamed et Coumba étaient présents lors de la visite ministérielle. Actuellement en formation à la BGE (réseau de soutien aux entrepreneurs) de Gennevilliers, ils ont accepté de me livrer les raisons qui les poussent à créer leur entreprise. Mais aussi toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés : le manque d’information, le défaut d’accompagnement, les difficultés d’accès au financement, le poids des charges, la difficulté de trouver un local…

Mohamed Ghezzal a 26 ans. Son projet ? Monter une structure de location de bennes. Son objectif est double : récupérer divers déchets puis faciliter par la suite leur recyclage. Il s’est orienté vers la création d’entreprise car il estime qu’il n’avait pas d’autres choix. Diplômé d’un BTS Conception industrielle en 2010, cela fera trois ans qu’il galère. A chaque dépôt de CV, on lui sert la même rengaine. « C’est la crise économique, on ne peut pas recruter, on est en pleine restructuration ». Il est également victime du cercle vicieux auquel tout jeune diplômé est confronté. « Je suis sans travail, pour la simple raison qu’on me demande de l’expérience, et sans premier emploi, je ne peux pas en avoir ». Il poursuit : « On se retrouve sans aucune possibilité, sans personne qui nous fait confiance, personne ne nous donne notre chance. Donc on s’oriente vers la création d’entreprise car c’est la seule solution qui nous reste ».

Mohamed GhezzalMohamed GhezzalMohamed est suivi par la BGE. La structure l’aide dans toutes les étapes de création de sa future entreprise : choisir le statut de sa future entreprise, définir l’investissement nécessaire, comment s’organiser… Les porteurs de projets ont besoin avant tout d’un accompagnement. « Ici, on nous donne des informations concrètes. Quand on cherche sur internet, on trouve souvent des infos erronées ou dépassées ». Des formations sont également organisées : e-marketing, commercialisation des produits, préparation d’un business plan…

Pour pouvoir monter son projet, il faut de l’argent. « Il est très difficile d’avoir accès à un financement. Il y a un manque de confiance énorme de la part des banques ». La BGE aide à monter le dossier, le présente aux différents organismes de l’Etat pour obtenir des aides. La structure va également suivre financièrement la nouvelle entreprise pendant les trois premières années, période au bout de laquelle elle pourra être considérée comme viable. « Le premier combat, c’est de créer sa société. Vient ensuite le deuxième combat : la faire perdurer ». Le dispositif présenté aujourd’hui arrive un peu tard selon lui.

« Les personnes issues des cités sont défavorisées dès le départ. Pourtant, malgré leur situation difficile, voire pénible, de nombreux jeunes se sont battus à l’école, ont obtenu leur diplôme, mais pourtant ne trouvent pas de travail ». Il ajoute : « Quand je pense à certaines personnes qui étaient avec moi en BTS, ou d’autres qui ont suivi des cursus de licences ou de masters. Nombreux sont ceux qui sont au chômage ou ont quitté la France pour pouvoir travailler. Je trouve cela regrettable ».

Cela fera bientôt 4 ans qu’il nourrit son projet d’entreprise. Il espère que l’année 2014 sera celle de la concrétisation. Il fera en tout cas tout pour. « Aujourd’hui, j’ai envie d’être mon propre patron. Et demain, pouvoir donner à d’autres la chance qu’on n’a pas voulu me donner ».

Coumba (à gauche ) et Valérie, deux jeunes entrepreneuses

Coumba a déjà monté son auto-entreprise de relations publiques. Elle a pour l’instant 3 clients: un hôtel, une créatrice de bijoux de luxe ainsi qu’une artiste peintre. Son projet, elle y songeait depuis longtemps. Après 12 ans en tant que salariée, sa mission s’est terminée, et elle s’est retrouvée au chômage. C’est à ce moment-là qu’elle s’est lancée dans l’aventure : « Comme j’avais 36 ans, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais ». Facile à dire, mais pas facile à faire. « Au commencement, il faut partir à la pêche aux informations ». L’étape suivante consiste à se retrouver noyée sous la paperasserie : « Il faut s’inscrire à telle adresse, se rapprocher de l’URSSAF, se renseigner sur les différents régimes de l’entreprise, faire telles ou telles formations, etc ». Un vrai parcours du combattant.

Une fois son entreprise créée, elle a été confrontée à des problèmes de trésorerie. « Je n’ai pas obtenu de crédit, car pour les banques, mon projet n’est pas quantifiable. Pas assez concret. Je me bats par mes petits moyens. Parfois, je suis un peu désespérée ». La somme qu’elle souhaiterait obtenir n’est pourtant pas exorbitante : 5 000 euros tout au plus. « Pour pouvoir par exemple me déplacer à mes rendez-vous ». Mais aussi pour louer un bureau : « Recevoir ses clients dans un bar, ça ne fait pas très professionnel ».

Le plan « entrepreneurs des quartiers » a pour objectif d’accompagner les créateurs d’entreprises à toutes les étapes de leur parcours. De l’accès simplifié à l’information au développement de leur projet, en passant par l’accès à des sources de financements spécifiques.

Pour simplifier l’accès à l’information, un site internet a été créé. Il regorge d’informations utiles pour celui qui rêve d’entreprendre et répertorie les différentes structures locales dédiées à l’accueil des créateurs. Le premier accueil sera renforcé, ainsi que l’accompagnement, à travers les réseaux des porteurs de projets (Cités lab, BGE France, Initiatives France). Pour faciliter l’accès au financement, la Banque Populaire d’Investissement prévoit notamment un doublement du prêt à la création d’entreprise, passant de 7 000 à 14 000 euros, ainsi qu’une meilleure garantie des prêts bancaires portée de 40 à 70%.

Parallèlement, l’Etat et la Caisse des Dépôts consacreront, avec le programme des investissements d’avenir, une enveloppe de 600 millions d’euros sur 2014-2020, pour lever des investissements privés et investir dans des projets structurants, notamment des pépinières d’entreprises.

Aurore Gerin

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