TRIBUNE. L’accord national signé en janvier dernier entre le MEDEF et trois partenaires sociaux, (CFDT, CFTC et  CGC) portant sur la compétitivité des entreprises et la sécurisation de l’emploi vient de faire l’objet d’un projet de loi examiné la semaine dernière en Conseil des ministres. De l’avis de Jean-Claude Tchicaya, cet accord laisse présager le chantage à l’emploi, la baisse des salaires, et de manière plus générale, la régression sociale.

Les accords signés par les syndicats (hors FO et CGT) et le MEDEF, donnent tous pouvoirs aux chefs d’entreprise d’exercer une forme de chantage auprès de leurs salariés. En effet, cet accord prévoit que le temps de travail pourra être réduit ou augmenté en fonction du carnet de commandes de l’entreprise sans augmentation du salaire et avec possibilité de réduction de celui-ci.

L’enjeu de ces accords, rebaptisés depuis, était bien d’augmenter la flexibilité et d’accroître la compétitivité des entreprises françaises dans un contexte économique européen inquiétant et dans celui, mondial, aux perspectives incertaines. La flexibilité et la compétitivité ne sont en rien assimilables à l’exploitation des salariés. Les syndicats FO et CGT s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas de sauvegarder les emplois coûte que coûte. La sauvegarde des emplois ne peut s’apparenter à une forme de pénalisation de l’ensemble des salariés. De plus, le MEDEF n’est pas représentatif de l’ensemble du corps économique et entrepreunarial de notre pays. En effet, nombre de chefs d’entreprises de petites et moyennes entreprises réclament à corps et à cris depuis près de 20 ans un abaissement des charges sociales afin de pouvoir augmenter leur masse salariale sans que cela n’impacte sur la rentabilité de l’entreprise.

À ce stade, les accords tels qu’ils ont été signés vont mettre un coût d’arrêt au droit du travail, à l’égalité et à l’équité des salariés. Ils vont accroître la précarisation de l’emploi et fragiliser davantage le marché du travail. Ces accords vont créer des inégalités entre salariés du tertiaire et ouvriers. Elles vont s’opérer aussi entre cadres et employés non-cadres. En effet, les cadres ont par essence un emploi du temps flexible et conservent le même salaire, qu’ils travaillent plus ou moins de 35 heures.

Pourquoi avoir fustigé le monde de la finance pendant la campagne présidentielle, si c’était pour signer cet accord avec le Medef ? Cela contredit totalement les mesures présentées pendant la campagne. Pourquoi ne pas avoir écouté les chefs des petites moyennes entreprises qui réclamaient une facilitation des embauches ? Le seul crédit compétitivité-emploi ne sera pas suffisant et il exclut déjà un certain nombre d’entreprises du dispositif étant donné les contreparties demandées.

Nous demandons instamment aux parlementaires qui vont avoir à débattre de ce sujet à l’assemblée, de prendre leurs responsabilités en tant qu’élu du peuple, pour modifier ces accords qui fragilisent le monde du travail. Quant au pouvoir d’achat, la France est classée au 11e rang des 27 pays de la zone euro, à ce sujet, le coût horaire par travailleur est un des plus élevés d’Europe.

Alors, la République est-elle consciente qu’elle n’a agi aucunement pour améliorer les conditions de vie et la qualité de vie de ses citoyens depuis près de vingt ans ? Si nous nous comparons à nos concitoyens européens, ceux-ci ont davantage de pouvoir d’achat que nous, l’année 2012 marquant un net repli de celui-ci selon les derniers chiffres de l’INSEE.

A ce tournant social et économique décisif, que souhaitons-nous vraiment pour notre pays ? Des salaires au rabais ? Un travail non reconnu ? Des salariés considérés uniquement sous le prisme de ce qu’ils coûtent à la société ? Un système social désossé progressivement ? L’avancée de la précarisation de la société ? Notre protection sociale a trouvé son fondement après la Seconde Guerre Mondiale et son système est envié par de nombreux pays qui le modernisent. Avons-nous le droit de la balayer du revers de la main ? Il mérite d’être amélioré, modernisé, réformé, dans l’intérêt de tous et chacun. L’égalité, l’équité et le droit de chaque citoyen doivent être au centre de ces changements.

Enfin, concernant la compétitivité et la flexibilité, il faut recentrer le débat et avoir du courage politique pour moderniser notre droit du travail mais pas à n’importe quel prix. L’Etat ne doit pas oublier les femmes et les hommes qui font les entreprises d’aujourd’hui et de demain, il ne doit pas décourager les étudiants, futurs salariés et chefs d’entreprises, il ne peut plus systématiquement repousser la volonté d’entreprendre et de créer de nos chefs d’entreprises par des mesures fiscales pressurisantes.

Voyons les secteurs où nous gagnons de l’argent, où nous pouvons amener une réelle plus-value. Une ré-indsutrialisation ne se décide pas en un claquement de doigts. Ce n’est pas pour une politique visant à fragiliser la société que le gouvernement à été élu. Repensons la réalité du monde du travail et des affaires de façon plus globale, à l’échelle européenne et mondiale, renforçons nos partenariats commerciaux à l’international, redonnons toute sa force à l’éthique et à la gouvernance de nos entreprises.Travailler a un sens, travailler donne sens à sa vie. C’est travailler pour soi mais aussi pour la nation.

Nous exigeons une modernisation et une protection de nos droits du travail et de notre système de protection social. Le Pacte social doit être revu et corrigé pour coller aux enjeux de notre XXIe siècle. Ce type d’accord brise le contrat social dont nous avons besoin au plus haut point en ces temps d’austérité.

Jean-Claude Tchicaya
Ex maire-adjoint de Bagneux
Collectif Devoir de Réagir et Devoirs de Mémoires

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