C’est le deuxième volet de la saga sur la loi visant les professions réglementées. Ce matin à 10 heures, place de la République à Lille, près de 1000 pharmaciens titulaires ont fermé leurs officines pour venir protester. À leurs côtés, quelques 800 étudiants en pharmacie, des médecins, des dentistes et des notaires étaient présents, banderoles levées.
Des blouses blanches à perte de vue. Mardi 30 septembre 2014, devant la préfecture de Lille, les pharmaciens ont décidé de ne plus reculer. Touchés par la réforme des professions réglementées -qui prévoit de casser les monopoles et faire baisser les tarifs – ils ont soulevé les banderoles et haussé le ton.
Car pour ces professionnels de santé, la vente en grandes surfaces des médicaments non remboursés (à prescription facultative, comme ceux à base de paracétamol, ou sans prescription) représente une marge de 34% de leur chiffre d’affaires. « Et la baisse de nos revenus entrainera une baisse des embauches » souligne l’un d’entre eux. Deuxième cause de leur gronde : est-ce qu’une personne lambda peut se permettre de délivrer un médicament, tandis que les pharmaciens étudient durant six ans afin de pouvoir accompagner et conseiller le patient ? Là-dessus, les pancartes sont claires : « les bonbons chez Leclerc, l’aspirine en officine ». « Même la plante la plus anodine a des effets sur le corps, on ne peut pas délivrer des boîtes comme ça, comme si c’était du chocolat » ajoute une pharmacienne survoltée.
La question de l’impact sur l’accueil des patients est évoquée. Enfin, et sans doute la conséquence la plus importante : l’élimination de ce bénéfice lié aux médicaments non remboursés entrainera la fermeture des officines de proximité. « Lorsque les pharmaciens, désignés à tort comme des “nantis” ou des “épiciers” auront disparu des quartiers, ce ne sont pas les supermarchés qui livreront les médicaments » se défend une étudiante. C’est sûr que les anticancéreux sont rares en grandes surfaces…
Et s’imaginer faire des kilomètres pour un antitussif ou une plaquette de pilules d’ici quelques années n’est pas franchement rassurant. Dans la foule, les idées pour faire ces messages ne manquent pas : « ne laissez pas votre santé entre les mains d’incompétents. Elle est trop précieuse » alerte un dossard orange. Ailleurs, sur le dos d’un manifestant, un squelette assis sur des WC désespère : « Monique, 92 ans, attend ses médicaments ».
Autre source de préoccupation, l’ouverture éventuelle du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) qui entraînerait l’arrivée d’actionnaires non pharmaciens au sein des officines. Un pas de plus vers l’économie, un pas de moins pour la qualité du système de santé français, pourtant réputé. Du côté du gouvernement, la ministre de la Santé Marisol Touraine semble avoir émis des réserves quant à ce projet et le ministre de l’Économie Emmanuel Macron qualifie la grève des professions réglementées de « légitime ». En attendant aujourd’hui ils sont 22 500 pharmaciens colère en France (l’Ordre parle de 100% des officines fermées, seules les gardes sont assurées, par réquisition) et leur disparition progressive est une pilule qui ne passera pas.
Pegah Hosseini