Depuis le 1er janvier, toutes les banques de France et de Navarre peuvent enfin commercialiser le Livret A, jusqu’alors chasse gardée de la Banque Postale et de la Caisse d’Epargne. Ce placement de trésorerie, destinée au financement du logement social, est rémunéré à 2,5% en totale franchise d’impôt et de prélèvements sociaux. Plafonné à 15 300 euros, il offre plusieurs avantages : il est sûr, rentable et liquide.

Depuis le début de l’année, les Français se ruent pas centaines de milliers aux guichets des banques pour bénéficier de cette offre, et l’on note une forte augmentation de dépôt sur cette épargne : 19 milliards d’euros pour le seul mois de janvier, somme jamais atteinte depuis 1995. A ce jour, on ne compte pas moins de 46 millions de détenteurs avec un encours de 140 milliards d’euros.

Devant ces chiffres qui donnent le vertige, on comprend parfaitement pourquoi les banques qui sont en manque de liquidités, ont mis en place des actions commerciales agressives et à la limite de la légalité pour attirer les épargnants. Certains établissements offrent une bonification du taux d’intérêt sur le marché monétaire et un abondement sur le versement pour fidéliser le client, offre commerciale tout à fait légale ; d’autres, par contre, pour faire face à cette compétition féroce, abusent de l’innocence des clients et comme d’habitude ce sont les habitants des quartiers populaires, en règle générale les moins informés, qui sont victimes de ces violations du code bancaire : débit de manière autoritaire, souscription du Livret A sans consentement et sans signature…

Les témoignages de clients abusés sont légion. Nous avons rencontré René, un retraité de de Saint-Denis : « Début octobre 2008, mon banquier me contacte afin de me réserver un livret A, je lui rétorque que je possède déjà un livret à la Poste et donc que je ne suis pas intéressé par l’offre. Mais début janvier, je constate malgré tout sur mon relevé de compte qu’on a prélevé la somme de 15 euros afin d’alimenter un livret A, prélèvement auquel je n’ai jamais donné mon accord. »

D’autres épargnants se sont vus associer avec le livret une assurance qu’ils n’ont pas contractée. « Au mois de janvier de cette année, confie Inès, étudiante dans une école de commerce et résidente à Garges-lès-Gonesse, je me rends à banque pour obtenir un prêt étudiant. Mon conseiller m’explique qu’il serait préférable que j’ouvre un livret A, pour que sa hiérarchie donne son accord au prêt. J’accepte car j’ai besoin de ce prêt. Mais quelques semaines après, je vois qu’on a bien prélevé 100 euros pour l’ouverture du livret A, mais en plus, qu’on m’a ponctionné 36 euros avec comme libellé « assurance », assurance à la quelle je n’ai jamais donné mon accord. »

Les banques nouvellement arrivées sur le marché du livret A, attirées par son fumet, ne sont pas les seules à agir de la sorte. La Banque Postale et la Caisse d’Epargne qui commercialisent ce placement depuis plusieurs décennies ne sont pas en reste. On peut le comprendre, elles craignent que leurs clients transfèrent leur livret A dans d’autres établissements bancaires, et là, dans certaines agences, on n’hésite pas à faire pression.

« A la Poste, il ne me reste qu’un Livret A, explique Suzanne, agent d’entretien de Villiers-le-Bel. Je souhaitais transférer ce livret dans ma banque pour des raisons de commodités. Je me présente au guichet afin de faire le nécessaire, et là on me dit que je dois prendre un rendez-vous. Je m’exécute, mais on ne peut me proposer un rendez-vous que dans 15 jours. J’accepte malgré tous. Lors de ma rencontre avec ma conseillère, celle-ci va essayer de me convaincre pendant près d’une heure de ne pas transférer mon Livret A de la Poste à mon autre banque, mais je reste ferme. Cela fait plus d’un mois que j’ai rencontré cette personne, et mon livret A n’est toujours pas transféré. »

Décidément, en ces temps de crise, les banques accordent une grande valeur à l’argent.

Chaker Nouri (Business Bondy Blog)

Chaker Nouri

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