Je viens de passer trois mois en colonie de vacances, dans la peau d’une animatrice. Ce n’est pas le pire des métiers, loin de là, et quand on est étudiant, travailler l’été c’est un peu obligé quand on a des projets. C’est que mon grand dessein pour cette année va me coûter l’avant-bras gauche : le permis. En France, il revient en moyenne à 1.500 euros par personne, quand on n’est pas trop un bras cassé en conduite.

Le problème, c’est qu’en plus du projet de me former aux joies de la route contre espèces sonnantes et trébuchantes, j’ai mes fournitures scolaires à acheter, ma carte IMagin’R à régler et une vie extrascolaire à financer en dehors de la fac, que voulez vous, de nos jours, un jeune ça veut vivre. Si en plus je caresse le rêve inouï d’épargner une somme assez conséquente pour m’acheter une voiture, mon livre de compte ne me laisse pas le choix : je vais devoir travailler pendant une partie de mes études.

D’ailleurs, j’ai déjà commencé mon premier jour, je suis femme de ménage.  Debout à 5h30. C’est fou comment à cette heure de la journée, on a envie de balancer son portable contre quelque chose de dur.  Deuxième étape après le réveil : les transports.  Malgré l’heure matinale, les trains sont bondés.

J’arrive sur mon lieu de travail, une maison de retraite. Tout d’abord je dois servir le petit déjeuner. Ensuite, il faut nettoyer le hall d’entrée, puis  les chambres des résidents qui me sont affectées. Une fois ce labeur achevé, je dois servir le déjeuner dans la salle à manger. Puis une fois que les résidents sont rassasiés, je dois nettoyer derrière. Quand tout ça est fini il est 14 heures, l’heure de ma pause. La fatigue ne tient pas une minute devant un super menu Big Mac. 15 heures,  retour à la mine. Nettoyage des chambres bis répetita, et préparation du goûter.

Est-ce que la salle de repos du personnel va se nettoyer toute seule ? bien évidemment que non, je suis payée pour ça et  pour préparer les tables du dîner aussi dans la foulée, qu’il faudra desservir par la suite. Plus qu’à nettoyer la grande salle après le dîner et ma journée de princesse Sarah est terminé. Il est 19h30.

Pour un premier jour en tant que femme de ménage, je me suis pas mal débrouillée je trouve. Je n’ai cassé que quelques assiettes. Sinon, je dirais que le rythme de travail est intense et lourd mais il m’a appris une chose : l’argent est un fruit qui ne pousse pas sur les arbres, il faut se pencher sur le sol tous les matins et l’arroser avec sa sueur chaque heure du jour pour en voir la queue d’un. Ce travail reste pourtant une bénédiction : en cette rentrée scolaire j’ai une montagne de frais à régler. Chaque année, être étudiant se paye de plus en plus cher.

Le monde du travail est une jungle m’a-t-on dit. Peut-être, mais j’ai eu la joie de voir nombre de mes collègues me venir en aide. Quant aux personnes âgées, tous ne sont pas grincheux et aigris. La plupart aiment beaucoup les jeunes, peut-être que je leur rappelle leur petite-fille, qui sait.

Bref, tout ça pour payer mon permis. Si un jour vous me voyez rouler en voiture dans votre ville,  en plus de l’essence, il y aura un bon quintal de la sueur de mon front dans le réservoir. Bon courage a tous les étudiants qui travaillent.

Diaba Diakité

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