Devant l’entrée de l’hôtel, place Marguerite de Navarre, un piquet de grève plutôt original. Plusieurs tables ont été disposées tout en longueur pour présenter un buffet qui ne désemplit pas de victuailles pour tous les goûts : pizza maison, petits plats préparés, beignets salés, gâteaux et tartes à foison. Les grévistes se tiennent derrière à discuter et veillent à ce que la table soit toujours remplie, repas de Noël oblige.

 Accor toujours dans la ligne de mire

Le Novotel des Halles qui appartient au géant ACCOR est le nouveau lieu où se tient le piquet de grève depuis qu’un jugement a interdit aux femmes grévistes d’occuper bruyamment l’entrée de l’Ibis des Batignolles. Elles avaient pour habitude de faire sonner sur le piquet, tambours de fortune et maracas faites maison, pour bien faire entendre leur indignation.

Changement de stratégie depuis, les grévistes investissent le centre de Paris et gagnent en visibilité. Sur ce point, rappelons l’action pour le moins originale que les femmes grévistes avaient mené le jour d’Halloween : couvertes de draps blancs pour figurer les fantômes qu’elles sont aux yeux de la société, elles avaient défilé devant l’hôtel Scribe du 9ème arrondissement.

Multipliant ainsi les actions coup de poing dans différents sites qui appartiennent au groupe Accor, elles ont donc choisi le Novotel des Halles comme point d’attache.

« Après tout, c’est pas plus mal, en ces temps de grève, cet endroit central est plus pratique à rejoindre pour les grévistes » déclare Tiziri Kandi, la déléguée syndicale CGT-HPE, figure de proue de ce mouvement depuis le départ. Elle ajoute « en plus, ici, on est directement sur la voie publique donc on est inattaquable ».

Dans la soirée, Tiziri Kandi se dirige vers le camion de police garé dans un coin de la place, où cinq officier.es de police se tiennent. Une cigarette dans une main, son gobelet dans l’autre, la déléguée syndicale échangent quelques mots avec ceux-ci.

« Je discute toujours avec la police, pour une question tactique. C’est souvent les mêmes en plus. » confie-t-elle plus tard. Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer quelques répliques bien senties, comme lorsqu’elle exhorte les policiers « à se bouger » pour leurs retraites.

Une repas de Noël réussi

Sous les fenêtres du Novotel, décorées de guirlandes, la fête bat son plein, une cinquantaine de personnes a fait le déplacement pour exprimer soutien et solidarité.

Une sono diffuse la chanson des Malpolis, « On veut pas du travail » dont quelques aficionados reprennent le refrain en chœur (qui n’est rien d’autre que le titre martelé en boucle). Certains se risquent à esquisser quelques pas de danse quand d’autres se contentent de piétiner en rythme, aussi pour se prémunir du froid.

Attirés par cette effervescence, des touristes japonais viennent se servir à boire. Quelqu’un leur explique en anglais le contexte de ces festivités, et les enjoint à participer, s’ils le désirent, à la caisse de  grève qui permet aux femmes grévistes de poursuivre leur mobilisation depuis 161 jours.

Claude Levy, délégué syndical CGT-HPE annonce que la caisse de grève a permis d’engranger suffisamment de fonds pour assurer tout ou partie des salaires jusqu’à fin janvier. Il invite à scander ensuite plusieurs slogans devenus familiers dont le fameux « frotter frotter il faut payer ».

Puis les femmes entonnent spontanément « sous-traitance/maltraitance » qui rappelle une de leurs revendications : l’abandon du recours à la société STN et l’internalisation des employées au sein du groupe Accor afin de ne plus être à la merci de mutations arbitraires et d’autres procédés abusifs.

Quatre grévistes du Chronopost d’Alfortville, soutien régulier des femmes de chambre de l’IBIS ont également tenu à faire le déplacement. L’un d’entre eux évoque leur détermination commune : « nous comme elle on est toujours en grève, on lâchera rien. »

Aux alentours de 22h, les enfants des grévistes accourent pour ouvrir leurs cadeaux. Des jouets récoltés grâce au concours du Secours Populaire. Une petite fille arbore fièrement sa nouvelle petite poupée, tout sourire.

La soirée se termine tranquillement vers 23h30, les femmes grévistes se répartissent les restes de la nourriture et la place est nettoyée. Celles qui habitent le plus loin (Grigny, Bondy) seront déposées en voiture chez elles. Demain est un autre jour de grève.

Sarah BELHADI

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022