Mercredi aux aurores à la gare Bondy : c’est le fin du fin pour qui veut assister au réveil de la France de banlieue qui se lève tôt. Et quand je dis qui se lève tôt, je devrais dire qui ne dort pas beaucoup. 5h30 du matin, et déjà des gens sur le quai en super forme de zombie pour aller bosser, idem sur la place du marché, en face de la gare, où les commerçants s’activent depuis au moins une heure pour préparer leurs étales toujours aussi bien achalandés qu’un souk de Tizi Ouzou. 

Cette population industrieuse du lever du soleil représente bien le pur jus des immigrés dans leur diversité : les Noirs sur le quai et les Maghrébins vendeurs de chaussettes qui se craquent au bout de deux jours, en compagnie de deux trois Pakistanais écoulant de très bons caleçons rideau tue l’amour. Maintenant, ils ont un nouveau copain : Barack Obama, le nouveau grand héros de l’Amérique adulé en banlieue.

Oui, Obama, ce fils d’immigré, passionne tous ces gens qui, pour la plupart, ne sont pas français contrairement à leurs enfants. Passionne ? En y réfléchissant, ce n’est peut-être pas le mot exact : « Alors, il est élu ? demande Malik, 55 ans fripier d’origine marocaine. Ça sera bien pour le monde, un type comme ça. Bon maintenant, gamin, si tu as rien d’autre à faire, aide-moi à décharger, et reviens à la fin du marché aussi, je paye bien. » Obama intéresse, mais ces gens ne sont pas debout à cette heure-là pour faire la conversation, serait-ce sur un sujet aussi captivant que l’élection du beau Barack.

Devant le Relay H, un jeune Ivoirien, bagagiste à Roissy, veut absolument savoir si Obama a gagné. Je lui annonce la nouvelle. « Voyez-vous, l’Amérique fait toujours la révolution avant vous. Oui ! Même votre grande révolution a eu quelques années de retard sur la révolution américaine qui aboutira à l’indépendance américaine en 1786 (1783 en fait). Donc, je pense que l’élection d’Obama aura des répercutions en France. » Vous l’avez compris, ce jeune homme est comme moi : un « je sais tout, j’ai fais la fac ».

On approche des 7 heures du matin, et cette fois, tout le monde est au courant : Obama est élu. Pas de scènes de liesse dans notre bon peuple : ça se passe là-bas, ici c’est la France, bordel ! « On fera mieux qu’eux, inch’allah, la prochaine fois », lance un chibani ravi de voir qu’une personne dont le père est née dans la « communauté des croyants », peut-être président d’une grande démocratie comme les Etats-Unis : « Mais c’est à vous de bien faire les choses comme il faut, les jeunes ! »

Bien sûr, il y a toujours les grincheux de service : « Obama, c’est pas lui qui payera pas mon loyer », « l’intégration, ça marche mieux là-bas ». Bah, vas savoir… Réaction toute différente de cette maman africaine agent d’entretien : « Obama président des Etats-Unis, ça nous fait du bien. »

Idir Hocini

Idir Hocini

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