Sur le marché de Bagnolet, le dimanche matin, parmi les discussions et les militants CGT qui prônent un SMIC à 1600 euros, la rumeur va bon train : alors, Picard Surgelés, c’est pour quand ? On raconte que l’enseigne va ouvrir un magasin dans la ville, mais on ne voit toujours rien venir. L’attente est d’autant plus intense que les beaux jours sont de retour et avec eux les envies de glaces, de sorbets et de Mr Freeze aux couleurs chimiques…

L’idée d’implanter un Picard Surgelés à Bagnolet est séduisante. Montreuil a son Picard, Les Lilas ont leur Picard, Noisy-le-Sec, Pantin, les habitants des 20e et 19e arrondissements ont leur Picard… Alors, « pourquoi pas nous ? ». Certes le fameux « et moi ! et moi ! et moi ! » n’est pas le meilleur argument pour convaincre. Quoique, pour les gens à mobilité réduite, la proximité des commerces, et de celui-ci en particulier, est une bonne carte. De plus l’installation d’un tel magasin permettrait de soutenir le petit commerce qui survit tant bien que mal. Le centre commercial installé à la sortie de la ligne 3 du métro, station Gallieni, et tout près de la gare de bus draine une clientèle importante qui ne s’aventure guère dans le centre- ville.

Pour aller au-delà de la rumeur, j’ai contacté le service économique de la mairie. Cette histoire ne semble pas secrète mais lorsque je demande à la personne que j’ai au bout du fil si je peux citer son nom, celle-ci n’est pas vraiment partante. Elle indique que le projet d’implantation d’un magasin Picard Surgelés est une histoire qui dure puisque tout a commencé en 2008. « Ce sont les représentants de Picard qui nous ont sollicités pour trouver un emplacement. On leur a proposé des emplacements variant de 200 à 300 m² mais ça ne leur convient pas. Le projet n’est pas annulé, on reste à l’affût et en contact », affirme  cet employé du service économique de la mairie.

Ce n’est donc pas le désamour entre Picard et la ville de Bagnolet. Un souci logistique en quelque sorte, car hormis la surface qui reçoit les clients, il faut prévoir un parking, une grande chambre froide pour le stockage et la préservation de la chaîne du froid, de la place pour les livraisons… Bref, l’implantation du magasin englobe toute une infrastructure.

Chez Picard, la personne du service expansion qui me répond n’est pas plus décidée à signer ses propos. Je lui fais remarquer qu’en Ile-de-France, Picard Surgelés a 114 point de vente dans Paris intra-muros, 58 dans les Hauts-de-Seine, 36 dans le Val-de-Marne et seulement 25 en Seine-Saint-Denis, dont Bagnolet fait partie. Le 93 serait-il mal aimé par le roi des surgelés de proximité ?

Réponse pour le moins étonnante de mon interlocuteur : « Nous avons plus de 800 magasins répartis sur tout le territoire. Ce n’est pas une question de consommateurs. Nous avons ouvert des magasins dans le Nord de la France, où le pouvoir d’achat n’est pas le meilleur, et nos magasins rencontrent un succès auquel on ne s’attendait pas. En général nos préoccupations concernent les questions foncières, nos équipes sont à l’affût des opportunités immobilières pour les emplacements. »

Soit, trouver le bon emplacement, c’est important, mais comment se fait-il que dans Paris qui connaît une pression immobilière très importante, idem dans l’Ouest parisien, il semble moins difficile d’y installer des Picard Surgelés que dans le 93, qui n’est pourtant pas dépeuplé, où le prix de l’immobilier est moins cher et les surfaces disponibles plus grandes ? En attestent les délocalisations récentes des sièges de certaines entreprises comme BNP Paribas, Ubisoft ou SFR. Un grand blanc. Je m’assure que mon interlocuteur est au bout du fil : affirmatif. Il n’a tout simplement pas de réponse à fournir. Aucune idée. L’employé du service expansion m’abandonne face à cette objection. Un jour viendra, peut-être, où les Bagnoletais auront leur Picard, il suffit de trouver un peu de place.

Juliette Joachim

Paru le 9 mai

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