A bord de sa Renault Talisman blanche, Stanis conduit l’un des seuls clients qu’il aura aujourd’hui, de l’aéroport Charles de Gaulle à son domicile, situé à Rosny-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Masque au visage, radio branchée sur les informations, c’est le même sujet qui tourne en boucle dans la voiture.

Depuis le début du confinement décrété le 16 mars par le gouvernement français, le trentenaire observe déjà une baisse considérable de son chiffre d’affaire. « D’habitude, je gagne entre 2500 et 3000 euros par mois, ce mois-ci je ne suis même pas sûr d’atteindre 1000 euros », déplore-t-il. Chauffeur depuis 2 ans, Stanis connaît pour la première fois une telle baisse de ses revenus qu’il estime à 70 % environ.

Je suis obligé de travailler sinon je n’ai pas de salaire

Les chauffeurs VTC font partie de ces professions qui ne bénéficient pas du chômage partiel et qui sont durement affectées par l’épidémie de coronavirus. « Je suis obligé de travailler sinon je n’ai pas de salaire », explique-t-il. Pour le jeune chauffeur, l’inquiétude n’est pas tant l’épidémie que la perte de revenus qu’elle engendre. « Je porte un masque uniquement pour rassurer les clients, je n’ai pas peur d’être contaminé. Si ça ne tenait qu’à moi je ne mettrais pas de masque, relativise-t-il. Si je dois mourir je mourrai, je me dis que c’est la vie. »

Stanis observe tout de même des mesures d’hygiène. En plus de porter un masque, que sa femme aide-soignante lui met à disposition, il s’assure de désinfecter son véhicule entre chaque course.

Entre chaque course, Stanis rentre faire une sieste

De 20 à 25 personnes par jour d’ordinaire, Stanis compte dorénavant ses clients sur les doigts d’une main : « En ce moment je transporte 3 à 4 clients par jour, pas plus. » L’essentiel de ses courses se font désormais le matin dès 3 heures et sont le fait de personnes qui se rendent à leur lieu de travail, comme les médecins. « Quand je n’ai pas de clients, je rentre dormir chez moi et j’attends que mon téléphone sonne pour me remettre en route. Ça évite de tourner en rond », raconte-t-il.

La situation actuelle lui impose une plus grande rigueur. Originaire de Montreuil dans le 93, Stanis est plus attentif au choix de ses courses et tranche en fonction de leur rentabilité. « Entre deux applications, Uber et Heetch par exemple, je choisis l’application qui sera la plus avantageuse. »

Comme la demande, l’offre a chuté, les chauffeurs n’étant pas nombreux à être sur le pont. « Beaucoup de mes collègues sont rentrés au bled parce qu’il n’y avait plus de travail et pour ne pas à avoir vivre le confinement », indique Stanis.

Depuis le début du confinement, Stanis a aussi vu l’itinéraire de ses courses modifié. Alors qu’elles se réalisaient principalement dans Paris intramuros, celles-ci ont désormais lieu en région parisienne, hors de la capitale. Notre chauffeur finit avec une note positive : « Le seul point positif, c’est que ça roule mieux. »

Soraya BOUBAYA

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