Déjà deux ans que l’usine PSA Aulnay entame son processus de fermeture. Les locaux se vident, une partie des entrepôts sont en démolition et les anciens salariés cherchent un nouvel emploi, ou l’ont déjà trouvé. Personne n’est logé à la même enseigne.

C’est l’histoire d’une fermeture d’usine. Une usine installée en Seine-Saint-Denis en 1973, à la cité de la « Rose des vents » plus souvent appelée les « 3 000 » (en référence au nombre de logements que comptait ce quartier) à Aulnay-sous-Bois. Nombreux étaient les ouvriers et cadres qui ont travaillé dans cette usine. Autrefois Citroën, elle deviendra quelques années plus tard : PSA Peugeot Citroën Aulnay.

L’entreprise en pleine expansion à la fin des trente glorieuses a besoin de main d’œuvre. C’est aussi en Afrique du Nord qu’elle a été la chercher. Les « entretiens d’embauche » étaient assez douteux. Il fallait « porter des sacs » ou « jouer de la flûte » m’avait expliqué des ouvriers. Venus en France par la suite, les salariés ont occupé des postes dans cette usine jonglant entre le travail à la chaîne et les 3×8. Plusieurs nationalités se sont côtoyées sur ce site, plusieurs cultures d’Afrique du Nord et subsaharienne, d’Europe.

Bien plus qu’un emploi de proximité, être employé à PSA Aulnay permettait à des pères de famille de ramener un salaire au foyer. Un salaire parfois misérable pour nourrir une famille tout entière. Mais voilà, le 12 juillet 2012, c’est le début de la fin. Mais, la fin n’est toujours pas finie. On ne sait pas trop quand elle a vraiment commencé d’ailleurs ; à l’annonce de la fermeture du site il y a deux ans ? Lorsque la CGT dévoilait la note « secrète » de la direction de PSA ?

Sur le site de PSA Aulnay, le calme règne. Des légers rayons de soleil illuminent l’immense parking. Pas un chat en vue, quelques voitures garées ici et là. Il est 14 heures, les navettes qui avaient l’habitude de venir récupérer les salariés à la porte 3, à l’heure du changement d’équipe, n’y sont plus. « Il n’y a pas assez de monde pour maintenir les transports » justifie Brahim Loujahdi, secrétaire de la CFTC Aulnay.

Des bruits fracassants se font entendre sur le parking. Le montage, anciennement situé à la porte 3, est en pleine démolition depuis mai dernier. C’est à cet endroit que les locaux de l’entreprise ID Logistic s’installeront. La société devrait créer entre 500 et 600 emplois. « En tant que syndicat je n’ai jamais rencontré les responsables d’ID Logistics. On n’a pas assez d’informations sur son implantation sur le site de PSA Aulnay, ni sur les entreprises qui vont s’installer sur le site dans le cadre de la revitalisation » s’inquiète le syndicaliste.

« Les salariés qui travaillent à Poissy doivent se lever à 2 h voir 3 h du matin pour aller travailler »

« Il reste à peu près 80 personnes et quelques mandatés [ndlr : syndicalistes élus], à peu près 140 en tout » explique le syndicaliste. Les 80 salariés, font partie de l’EMA (Equipe multi-activité), des employés ayant des restrictions médicales,  « ils apprennent certains métiers comme le tri du courrier, la peinture… ». Toujours à la recherche d’un nouvel emploi et encore à Aulnay, un nouveau  délai a été établit « la direction a pris l’engagement de trouver une solution à chacun pour les personnes faisant partie de l’équipe EMA. Elle a jusqu’à 2015 pour le faire ».

Les salariés du constructeur automobile ont eu le choix entre opter pour un reclassement en interne, s’orienter vers des entreprises ayant pour objectif de s’installer sur le terrain d’Aulnay (ID Logistic, RATP, SNCF) ou quitter l’entreprise. « Au niveau reclassement interne, la direction de PSA a été correcte, mais pour la revitalisation au niveau local (ID logistic, RATP, SNCF…) ça n’a pas été satisfaisant », estime Brahim Loujahdi.

Certains d’entre eux ont été reclassés sur un des grands sites de Peugeot, situé à Poissy (78). Pour Brahim, ce choix n’est pas évident « les salariés qui travaillent à Poissy doivent se lever à 2 h voir 3 h du matin pour aller travailler ». Cette solution n’avait pas emballé plusieurs d’entre eux en raison du trajet.

« PSA Aulnay ? Ne m’en parle plus s’il te plaît, j’ai tourné la page ! » me disait un ancien ouvrier qui a quitté le groupe. Pour certains la fin a été plus douloureuse et l’envie de passer à autre chose s’est vite fait sentir.

Pôle emploi est également devenu le nouvel employeur d’anciens salariés. Prendre le temps de retrouver un emploi stable, ouvrir une entreprise, toutes les perspectives sont envisagées.

L’an dernier, un protocole d’accord de fin de grève a permis à des ouvriers de quitter l’entreprise avec, en contrepartie, un chèque de 19 700 euros.  Beaucoup l’ont accepté. « Une organisation a fait croire que 19 700 euros c’est de l’agent, alors que retrouver un emploi avec la crise c’est pas évident. Certains employés regrettent » reconnaît le secrétaire de la CFTC Aulnay.

Par ailleurs, la commission européenne a proposé,  le mois dernier, de déployer une aide de 12, 7 millions d’euros pour les anciens salariés d’Aulnay et de Rennes. Il s’agit d’une sorte d’aide au retour à l’emploi. Pour Brahim, cette aide est la bienvenue « s’ils le font c’est bien, ça permettra aux salariés de reprendre une activité pour rebondir ».

Le terrain de PSA Aulnay aura un nouvel avenir. Il ne restera pas un terrain vague. Une pépinière d’entreprise, un centre de formation, un musée Citroën, un centre de maintenance pour les lignes du métro automatique (du Grand Paris), ont été présentés entres autres lors d’une conférence de presse à la mairie d’Aulnay-sous-Bois le 19 mai (en présence du maire Bruno Beschizza et de la direction du groupe automobile).  Un beau projet, mais qui pourrait prendre des années avant de voir le jour.

Imane Youssfi

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