C’est officiel. L’info est tombée très tôt ce matin : PSA Peugeot Citroën fermera son site d’Aulnay en 2014. Des employés étaient déjà au courant depuis la veille au soir. Ce matin, à l’usine, cette nouvelle a été reçue comme un coup de massue. Un salarié raconte que l’annonce officielle leur a été faite après une réunion, « un briefing » vers 8h du matin : « Vous avez une heure pour l’annoncer à vos familles et après vous reprenez le travail », leur aurait dit la direction du site. Une annonce qui aurait fait « beaucoup de pleurs, de salariés en dépression».
Hassan, embauché depuis 40 ans chez PSA, devait partir en retraite en octobre prochain. Son employeur lui a proposé de la prendre en avance. Il refuse et ne partira pas non plus à l’automne : « Je vais lutter avec mes copains jusqu’en 2014 » déclare-t-il. Lui qui a déjà connu la fermeture des usines de Levallois (Hauts-de-Seine) et de Javel (Paris XVème).
Être ouvrier à PSA, c’est avoir un salaire à peine plus élevé que le SMIC car même avec l’ancienneté, les salaires n’atteignent pas les 2000 euros. « On n’est pas super bien payé », confie un salarié. « J’ai des factures à payer, je dois habiller ma fille. Cet été, par exemple, nous ne ne partirons pas en vacances » explique un employé tout en montrant une radio de son dos réalisée après un accident de travail. « J’ai 8 vis dans le dos, je suis tombé par terre. Des personnes qui passaient par-là par hasard m’ont relevé » ajoute-t-il. Reconnu travailleur handicapé, il ne fantasme pas à l’idée de retrouver un nouvel emploi : « En quittant PSA Aulnay, je serai inapte : quel patron voudra bien de moi ? ».
Beaucoup d’entre eux ont contracté des crédits. C’est le cas de Philippe* qui s’est engagé pour 25 ans, à hauteur de 770 euros par mois pour un salaire mensuel de 1500 euros net. « J’ai pris mon crédit juste avant qu’ils annoncent que l’usine allait fermer, mais heureusement j’ai choisi une assurance en cas de perte de mon emploi ». Il a été proposé à des employés de se faire muter à Poissy. Pour Philippe, c’est impossible :« Je ne pourrai pas aller à Poissy, c’est trop loin. Je sors de chez moi à 5h du matin, fais 80 km aller, 80 km retour pour venir travailler à Aulnay : j’habite à Soissons ».
Selon les syndicats, il serait d’ailleurs impossible de transférer les employés à Poissy : le site serait, d’après eux, déjà en « sur effectif »… Une situation qui inquiète Samir Lasri. Lui-même n’a pas de crédit mais il se soucie de la situation de ses collègues : « Si on n’a pas de salaire, on va les payer avec quoi nos crédits, avec des œufs ? ».
Pour lui, cela devient très préoccupant : « C’est la misère sociale, la gauche ne fait rien du tout, mais je ne vais pas me suicider parce que l’usine va fermer… ». A ses côtés, trois jeunes : l’un a 30 ans, un autre, 28, et le troisième 19 ans. Leur propos sont guère plus nuancés :« Y’a pas de boulot dehors, comment tu veux qu’on nourrisse notre famille ? » et craignent un « retour à la délinquance ». « PSA c’est un monument en Seine-Saint-Denis. Y’en a plein qui ne pourront pas se relever. Personne ne sera logé à la même enseigne. Il faut voir ça au cas par cas. PSA, c’est à nous, c’est une petite famille ».
Le parking est plein à craquer. Les organisations syndicales prennent la parole tour à tour. « Ils nous ont pourri nos vacances », peut-on entendre assez régulièrement. Ils sont déçus de François Hollande, d’Arnaud Montebourg : « Hollande a dit « Le changement c’est maintenant » mais il n’a rien changé ! ». « Monsieur Hollande, vous êtes un menteur ! Vous n’avez pas tenu votre parole », ou encore « Droite ou gauche au pouvoir, c’est la même !». Le maire d’Aulnay-sous-Bois, Gérard Ségura, en prend aussi pour son grade : « Vous êtes un menteur, tout ce que vous cherchez, c’est un deuxième mandat ! ».
L’ensemble des syndicats ont décidé de reprendre la main en organisant une journée de grève à la rentrée, le 11 septembre. Les vacances risquent d’être difficiles, très difficiles…
Imane Youssfi
*Prénom modifié
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