Il y a quelques semaines, l’Assemblée nationale a voté en première lecture une loi pour mieux encadrer les conditions de stages. Ce dernier a pris une place de plus en plus importante dans les cursus scolaires, ce qui ravit les entreprises.
1,6 millions. C’est le nombre de stages dénombrés en France par le Conseil économique, social et environnemental en 2012 contre 600 000 seulement pour l’année antérieure. Le projet de loi présenté par Bruno Le Roux met le doigt sur quelques exemples de détournements du stage au profit des entreprises : substitutions d’emplois par des stages, conditions de travail plus difficiles pour les stagiaires que pour les employés… Ce projet de loi rappelle aussi les difficultés pour certains à trouver un stage « en l’absence de réseau personnel et familial […] ou du fait de discriminations similaires à celles identifiées pour l’accès à un emploi ».
Le fameux stage. Celui qui vous excite parce qu’il est dans l’entreprise où vous rêvez de travailler. Celui qui vous désespère aussi parce qu’il n’y aura pas d’opportunité au bout. Celui qui vous ruine car il n’est pas rémunéré ou une misère (légalement 436,05 euros pour un stage de plus de deux mois). Les règles vont changer. Une proposition de loi a été adoptée en première lecture lundi 24 février. Celle-ci vise à encadrer les stages et à donner plus de droits aux stagiaires. Mais cela va-t-il pour autant changer les choses ? A première vue, pas vraiment.
Les parlementaires se sont donnés trois missions. La première : « Favoriser le développement des stages de qualité » ceci notamment en imposant un tuteur à chaque stagiaire. Cette disposition ne règlera pas la difficulté de certains « hors-circuits » qui auront toujours des problèmes d’accès à l’entreprise. La deuxième : « Éviter les stages se substituant à des emplois » et pour ceci, en imposant un pourcentage de stagiaires proportionnel au nombre d’employés. Cette mesure tend en effet à limiter le nombre de stagiaires mais n’empêchera évidemment pas les cas de substitutions. La troisième : « Protéger les droits et améliorer le statut des stagiaires. » Pour ces deux derniers objectifs, la loi prévoit essentiellement de plus nombreux contrôles et la tenue d’un registre des stagiaires dans l’entreprise. La loi rappelle aussi l’obligation de rémunérer les stagiaires à partir de deux mois passés dans l’entreprise. Loi déjà existante mais pas toujours appliquée.
Café et photocopies ?
Le stage s’il était un plus est désormais le passage obligé dans un cursus scolaire. Il permet de valider un diplôme ou une formation, d’obtenir de l’expérience, de confirmer des compétences, de prendre des contacts. Il est aussi la porte d’accès au monde de l’entreprise et conduit parfois au premier emploi.
Dans le cas d’Elodie, aujourd’hui manager relations clients pour un site internet de réservation en ligne de soins beauté et bien-être, le plus difficile a été de trouver le fameux stage surtout pour l’alternance lors de sa deuxième année de master. « J’ai trouvé chacun de mes stages grâce à des connaissances, explique-t-elle, le réseau est très important. » Grâce à son second stage, effectué en alternance, elle a décroché un CDI dans l’entreprise. « Pour moi les stages sont très utiles et à ne pas négliger. C’est déjà une expérience professionnelle, et aujourd’hui ça compte autant voire plus que les diplômes. »
Pour Sonia, étudiante en école de journalisme, les stages sont évidemment importants mais elle remarque que « certains médias abusent du système pour pouvoir avoir des employés sans les rémunérer, notamment lors de remplacements. » Par principe, elle a donc refusé un certain nombre de stages, « car ils étaient non rémunérés et sans perspective d’emploi à la clé. Je préfère ne rien avoir du tout que travailler gratuitement sans perspective d’avenir. »
Pour ma part, j’ai toujours trouvé mes stages utiles, même si la plupart n’ont pas été rémunérés et qu’il n’y a pas eu de perspective d’embauche à la sortie. Le cliché du stagiaire qui fait le café et les photocopies est fortement dépassé. L’entreprise a bien compris la force de travail qu’il représente et l’importance qu’il a pour les étudiants. Dans le milieu du journalisme, par exemple, le stage est donc devenu une manière de gérer les ressources humaines. Les employeurs font valoir au stagiaire la chance qu’il a de pouvoir travailler gratuitement dans sa rédaction. Une position très inconfortable pour l’étudiant ou le jeune travailleur qui devrait être redevable de travailler gratuitement ou pour presque rien.
Aujourd’hui, à la recherche d’un emploi, diplômée ayant acquis près d’un an d’expérience uniquement en stages et à l’étranger, il n’est pas rare que les rédactions me proposent encore des stages non rémunérés. La dernière proposition date d’il y a quelques jours. Un site d’information spécialisé sur l’Afrique a trouvé mon CV « prometteur » et m’a proposé un stage de six mois non rémunéré.
Charlotte Cosset