Depuis quelques semaines sur le site d’Aulnay-sous-Bois, les événements s’enchaînent les uns à la suite des autres. Entre les lettres adressées à François Hollande et la rencontre avec Arnaud Montebourg et Denis Martin (directeur industriel du groupe numéro 2 de PSA) qui « n’a rien donné » selon Jean-Pierre Mercier (délégué CGT PSA). Ajoutez aussi la lettre d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, envoyée vendredi dernier à la direction, leur demandant de clarifier sa position.
Des salariés Cotorep sanctionnés, l’un d’eux entame une grève de la faim
En interne, de nombreux rebondissements ont mouvementé le quotidien du site d’Aulnay « La situation s’est accélérée depuis que nous sommes allés au débat entre François Hollande et Nicolas Sarkozy » raconte Samir Lasri, employé à PSA Aulnay. Des sanctions allant d’avertissements à des mises à pied. Parmi les sanctionnés, cinq salariés Cotorep (travailleurs handicapés). Abdellah Nabark et Omar Khammoussi en font partie. Ils vivent la même situation.
Selon leurs dires, la direction leur aurait proposé des postes non-adaptés à leur restriction médicale, « il n’y a plus de postes pour ces gens-là, ce sont des éléments gênants » explique l’un d’eux. Ces salariés de PSA Aulnay auraient eu des « rapports d’incidences non justifiés » leur reprochant entre autres « de ne pas vouloir travailler ». Selon Abdellah Nabark, la DRH lui a proposé trois postes, le premier en « préparation STT ». Il affirme qu’il ne pouvait l’accepter à cause de ses restrictions médicales, de la lourdeur du poste qui nécessiterait d’importants déplacements physiques. Une deuxième proposition lui a été faite, « elle était deux fois plus dure que la première » explique Abdellah Nabark qui se voyait obligé de la décliner. Pour sa troisième proposition de poste, la DRH le convoque par courrier. Lors de l’entretien, il se voit encore proposer un poste, selon lui, inadapté à son état de santé. « On m’a mis une sanction en me disant que je ne suis pas capable de tenir un poste » explique l’employé qui ne comprend pas la sanction alors qu’il est reconnu travailleur handicapé.
Abdallah Baih, 36 ans, marié et père de 4 enfants employé à PSA également, a quand à lui entamé une grève de la faim pendant 17 jours. Lui aussi est reconnu travailleur handicapé. Sa situation est pratiquement semblable à celle de ses collègues. Jugé inapte à un poste, la direction lui aurait demandé de rester chez lui dès novembre 2011. Entre temps, Abdallah Bahi n’a pas chômé. Il a recherché des postes compatibles avec son état de santé. « J’ai fait plus de 60 proposition à la direction ». Les retours étaient constamment négatifs. Jusqu’au jour où il reçoit une « lettre de licenciement envisagé ».
Le courrier mentionne qu’il est « inapte à tous les postes du groupe PSA ». Le ton monte, Abdallah Bahi entame une grève de la faim à la dizaine du mois de juin pour protester. Il a même installé sa tente devant l’usine. « Ce qui est le plus frappant, c’est qu’il est jugé inapte à tous les postes du groupe. Cela veut dire que même au Brésil il n’y a pas de poste disponible pour lui » s’inquiète Ahmed Berrazel, son collègue.
Abdallah Bahi ressent de l’injustice. « Ce qui me fait le plus mal c’est qu’ils disent qu’il n’y a pas de postes pour moi alors qu’ils n’ont pas cherché », persuadé que le médecin de travail n’a pu identifier tout les postes du groupe PSA Peugeot Citroën. Au bout de 17 jours de grève de la faim, il fait un malaise et est transporté à l’hôpital. Vendredi dernier, une bonne nouvelle lui est parvenue : un nouveau poste lui a été proposé.
Contrôle des titres de séjours en plein travail
Des rebondissements il y en a toujours sur le site d’Aulnay. Après les sanctions envers des salariés Cotorep, des contrôles de titres de séjours ont eu lieu le mois dernier pendant les heures de travail. Les versions divergent. Selon les employés et Pierre-Olivier Salmon (en charge des relations presses « économique et social » au sein du groupe PSA). Selon les employés du site, la direction a envoyé un mail aux chefs d’équipe leur demandant de vérifier les titres de séjours des salariés à la chaîne. « Ils avaient une liste des personnes à contrôler » raconte Samir Lasri, qui explique que les salariés ont manifesté leur mécontentement en se rendant dans les bureaux de la direction. « Ils ont prétexté une mise à jour des dossiers ». « Un salarié s’est vu demandé son titre de séjour alors qu’il a la nationalité française depuis 10 ans et a été embauché avec ! » s’exclame son collègue.
Un employé RH se serait excusé mais selon Samir Lasri, cela n’a rien changé « ils ont modifié leur stratégie à présent », en poursuivant leur requête pour pallier à des manques de documents dans les dossiers du personnel. Selon Jean-Pierre Mercier, la situation est même allée plus loin : « Il a même été demandé à certains employés s’ils étaient français ou étrangers ». Il dénonce une humiliation en plein travail.
Pierre Olivier Salmon, relativise la situation, « il se trouve qu’à Aulnay, comme dans d’autres sites d’ailleurs, il y a 25% de la population qui n’est pas de nationalité française. Donc ces gens-là travaillent avec un permis de travail et la règlementation en France, c’est que quand vous êtes en CDI, ce permis de séjour est renouvelé automatiquement. Sauf, que la direction des ressources humaines du site le fait tous les deux-trois ans. Elle rappelle aux collaborateurs concernés d’aller renouveler leurs papiers à la Préfecture. Et là, ça faisait deux ans à peu près qu’il n’y avait pas eu de campagne d’information récente pour rappeler aux collaborateurs de faire attention. Quand la période de 10 ans arrive il faut penser à renouveler ses papiers ».
Le communiquant évoque seulement un cas qui aurait dérapé, « il se trouve juste que pour un cas, un manager a un peu manqué de délicatesse. Il en a parlé à un collaborateur devant ses collègue, qui, logiquement, l’a mal pris ». La direction aurait indiqué aux organisations syndicales du site « qu’elle le regrettait mais que cela ne remet pas du tout en cause cette campagne d’information qui est faite par le groupe ».
Les ouvriers du site d’Aulnay y voient une stratégie visant à « démoraliser les salariés ». Pour Jean-Pierre Mercier, délégué CGT de PSA, les choses sont claires « le temps qu’on passe à défendre nos collègues, c’est du temps en moins pour lutter contre la fermeture du site ».
Le ton risque de monter dans les prochains jours. Deux CCE (comité central d’entreprise) auront lieu les 12 et 25 juillet prochains. Les salariés craignent l’annonce de la fermeture de l’usine à ces dates-là. Des salariés qui restent motivés et solidaires mais qui ne se voilent pas la face.
Imane Youssfi