Ce matin de février 2007, Sara Camara se rend à l’office des impôts en face du métro Croix de Chavaux pour effectuer son versement mensuel dû à son impôt sur le revenu de l’année 2005. Sara Camara, c’est le Malien sans papier dont nous avions parlé il y a quelques mois, qui a travaillé au Centre des Monuments Nationaux, comme agent d’entretien à la Conciergerie de Paris sous l’identité de son oncle pendant 13 ans.

Plus d’un an après avoir dévoilé sa vraie situation à ses anciens collègues et patron, Sara mène une vie encore ambiguë. « Aujourd’hui, il n’est ni expulsable ni régularisable », précise Mohamed Ziane, qui dirige de son comité de soutien et l’accompagne dans ses démarches. Les autorités restent basées sur la loi qui stipule qu’il y a eu usurpation d’identité.

Sara se sent dans l’impasse : « après 17 ans passés en France, je ne sais pas comment mon pays d’origine a évolué dans les lois et la mentalité. Si je retourne y vivre, je serais déphasé. Ma vie serait gâchée ».

Son premier récépissé attestant que sa demande de régularisation a été déposée et l’autorisant à circuler sur le territoire français est daté du 14 février 2006. Sa validité a duré 6 mois puis a été renouvelée pour quelques semaines. Entre temps, Sara s’attelle à déclarer ses impôts sur le revenu des années précédentes. Mais depuis le 29 septembre 2006, c’est le néant. Son deuxième récépissé n’est pas renouvelé, la préfecture ne fait pas signe de refus de la demande du « sans papier » et pas signe d’une réponse favorable lui permettant d’accéder à la citoyenneté. Dans le même temps, chaque mois, Sara continue à régulariser le paiement de ses impôts. Concernant 2006, le Malien est exonéré puisqu’il a travaillé seulement jusqu’au 31 janvier, date de son licenciement intervenu conformément à loi (mais contre la volonté de son patron). Sara Camara paye à sa charge les montants de 477 euros pour l’année 2005, plus 640 euros pour 2004 et 451 euros pour 2003. Les revenus qu’il percevait au cours de ces périodes atteignaient un montant moyen de 1200 euros net.

Pour l’instant, Sara est officiellement sans ressource financière si ce n’est à travers la contribution de ses proches. Il n’a pas le droit de recevoir une quelconque aide des services sociaux et d’aide au retour à l’emploi. Pas de sécurité sociale. Son soutien psychologique est assuré – au mieux – par son entourage : amis du foyer, ex-collègues mais aussi par les nombreuses personnalités politiques issues des partis de gauche comme de droite. D’autre part, un court métrage est mis à disposition sur le site du comité de soutien. Ses anciens collègues du Ministère de la Culture y décrivent chacun à leur tour un des aspects de la situation de Sara Camara à sa place sans que celui-ci n’apparaisse à l’image.

D’après Mohamed Ziane : « le conseil que nous avaient donné les agents de la préfecture pour faire avancer la situation de Sara était de tenter notre chance en mobilisant les médias et les politiques. Chose faite mais non entendue ! »

Après plusieurs appels téléphoniques et déplacements auprès de la préfecture de Bobigny, j’ai été conviée par le service de la communication à envoyer par mail mes interrogations sur le dossier de Sara Camara. Les réponses devraient arriver prochainement. Affaire à suivre…

Par Nadia Boudaoud

Nadia Boudaoud

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