Dans le très chic 8e arrondissement de Paris a eu lieu hier soir la 4e édition des Espoirs du Management, avec remise du trophée qui récompense le métier de manager. Et c’est au sein de la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris que s’est déroulé la cérémonie. Une messe où se bouscule tout le gratin de l’entrepreneuriat française : Fédération patronale, directeurs de grands groupes, banquiers, hommes d’affaires, tous réunis la main sur le cœur pour célébrer le management à la française. Un rendez-vous annuel crée de toute pièce par la conviction d’un homme : Charles Van Haeckel, le créateur des Espoirs de Management.
A la différence de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, en France il ne fait pas bon être patron, a-t-on coutume de dire. Même si depuis quelques années les pouvoirs publics ont entrepris des programmes pour inciter à la création d’entreprise : statut de l’auto-entrepreneuriat, développement de financement solidaire, incitation fiscale… Force est de constater que l’entrepreneuriat n’est pas encore rentré dans les mœurs. Phénomène compréhensible en temps de crise : les individus préfèrent investir dans une valeur refuge, jugé plus protectrice, comme celui du travail salarial.
Malgré ce contexte, le fondateur de ce trophée continue à croire qu’il est nécessaire de récompenser le patron : « Dans la crise que nous traversons, il faut mettre en lumière la qualité essentielle des managers. Le courage managérial, c’est de remettre en question des schémas, d’offrir de la reconnaissance à ses collaborateurs et de leur donner envie d’aller plus loin. » Tout un programme.
Un discours optimiste auquel adhéreront sans aucun doute les quatre nominés du jour. Les nominés sont : Yacine Djaziri (photo), par ailleurs membre du Bondy Blog, pour Azro, Alexandre Poncet pour Coca-Entreprise, Lucien Perret pour Maisons France Confort, et François Portiglia pour l’Hôtel Gray d’Albion. Et le gagnant est : Yacine Djaziri pour Azro, une entreprise « citoyenne et solidaire » dans le secteur du BTP.
Ce choix du jury est tout sauf une surprise, et pour cause. Depuis la crise de 2007 due en grande partie à la spéculation sur des titres investis dans des crédits hypothécaires contractés par des contribuables américains fortement endettés, l’heure est à la moralisation du monde des affaires. Interdiction des transactions à découvert (pas d’argent = pas d’achat d’actions), régulation des marchés financiers, avènement du microcrédit et du crédit solidaire, condamnation, du moins morale, des crédits spéculatifs comme celui du crédit revolving, de grands groupes se lançant dans des actions solidaires par l’intermédiaire de leur fondation. Si la récompense saluant l’engagement d’Azro pouvait être attendue, elle n’en apparaît pas moins comme méritée.
Yacine Djaziri est un autodidacte. Quelques années après ses études, il décide de se remettre en question et de créer une entreprise dans le secteur du BTP. Une société très particulière. Azro se veut être une « entité citoyenne », dont la volonté est d’initier et de former aux métiers du bâtiment des publics en difficulté à travers l’insertion. Une action volontariste vers une population difficile qui exige d’adopter un management particulier.
« Dans une boite classique, lorsque vous commettez une faute professionnelle, généralement vous êtes sanctionné sur le champ. J’essaie à l’inverse de tenir compte du passif de mon collaborateur pour éviter la sanction et de trouver les mots justes pour le remettre au travail », explique Yacine Djaziri, le patron d’Azro.
Une action solidaire sans contrepartie : « Ce n’est pas une histoire d’argent, je ne reçois que 2% de subvention sur mon budget global. Et puis, ne croyez pas que parce que vous embauchez des personnes victimes de la précarisation, les marchés publics vous sont ouverts, bien contraire », ajoute le premier lauréat des Espoirs du Management. Azro est donc la démonstration que solidarité et business sont des mots qui vont très bien ensemble. La société ne connait pas la crise. Elle a engrangé un million d’euros de chiffre d’affaires.
Et ne dites pas à Yacine Djaziri qu’Azro est une entreprise issue des quartiers, il vous rétorquera fermement : « Nous sommes une entreprise française. Et ma récompense de meilleur manager, c’est une façon de dire que le management à la française est de qualité. »
Chaker Nouri
Vidéo : Aladine Zaiane